Protection des anticorps : quand un dépôt d’hybridome ne suffit pas

Quand une invention biologique ne peut pas être décrite uniquement avec des mots, il est possible de compléter la description en faisant un dépôt de matériel biologique auprès d’une collection agréée en vertu du Traité de Budapest. Ce type de dépôt est notamment utilisé quand il s’agit de revendiquer un anticorps dont les séquences ne sont pas disponibles. Cependant, se pose alors la question de l’utilité réelle d’un tel dépôt, notamment dans l’appréciation de la nouveauté de l’anticorps revendiqué.

Paris, le 15 juillet 2021 – Quand une invention biologique ne peut pas être décrite uniquement avec des mots, il est possible de compléter la description en faisant un dépôt de matériel biologique auprès d’une collection agréée en vertu du Traité de Budapest de 1977 sur la reconnaissance internationale du dépôt des microorganismes aux fins de la procédure en matière de brevets. Ce type de dépôt est notamment utilisé quand il s’agit de revendiquer un anticorps dont les séquences ne sont pas disponibles.

Cependant, se pose alors la question de l’utilité réelle d’un tel dépôt, notamment dans l’appréciation de la nouveauté de l’anticorps revendiqué.

C’est à cette question que la chambre de recours 3.3.04 apporte une réponse dans la décision T 32/17.

Dans cette affaire, l’une des revendications portait sur un anticorps reconnaissant la 25-hydroxyvitamine D2 et la 25-hydroxyvitamine D3. Cet anticorps était caractérisé uniquement par le fait d’être produit par un hybridome déposé auprès d’une collection de microorganismes (BCCM/LMBP) en vertu du Traité de Budapest. Or des anticorps ayant la même spécificité de liaison étaient disponibles dans le commerce avant la date effective du brevet. 

La nouveauté de la revendication incriminée reposait donc sur la caractéristique de production de l’anticorps par l’hybridome.

Or la chambre a estimé que cette caractéristique ne définissait en rien la structure de l’anticorps. Autrement dit, il n’est pas possible selon la chambre de déduire de la référence à un hybridome les séquences des CDRs et des régions variables de l’anticorps revendiqué. 

Poursuivant son raisonnement, la chambre a estimé que la revendication se lisait comme une revendication portant sur un produit (l’anticorps) obtenu par un procédé (la production par un hybridome). Dès lors, et en accord avec la jurisprudence constante de chambres de recours, il incombait au breveté de prouver que l’anticorps revendiqué était différent des anticorps de l’art antérieur. Le breveté n’ayant fourni aucune preuve en ce sens, la revendication n’était donc pas nouvelle.

On pouvait à juste titre penser que la portée d’une revendication portant sur un anticorps produit par un hybridome spécifique était limitée. La présente décision montre qu’en outre une telle revendication n’est pas un gage absolu de nouveauté. En effet, il appartient au breveté de prouver que l’anticorps revendiqué se distingue d’un art antérieur qui aurait été identifié, que ce soit par la fourniture de résultats expérimentaux supplémentaires ou par tout autre moyen. 

On pourrait aussi considérer que la définition d’un anticorps par l’hybridome qui le produit pourrait poser des problèmes de priorité. En effet, si l’on suit le raisonnement de la chambre dans la présente affaire, une revendication ultérieure portant sur un anticorps défini par ses séquences pourrait ne pas bénéficier valablement de la priorité d’une demande antérieure qui ne décrirait l’anticorps que par référence à son hybridome.

Plus que jamais, il importe donc de fournir suffisamment de résultats expérimentaux tant dans la demande prioritaire que dans la demande de brevet, afin de mettre toutes les chances de son côté d’obtenir un brevet qui puisse ensuite être défendu efficacement.

Publié par

Nicolas Bouquin, Ph.D

Conseil Senior