La start-up prise à titre d'exemple ici se spécialise dans la production de biosolutions issues de ressources végétales naturelles non cultivées, récoltées par des tiers. Grâce à une maîtrise du procédé d’extraction et à un savoir-faire spécifique, elle crée des solutions uniques et écologiques, adaptées aux besoins actuels des agriculteurs et de l'industrie.
Déconstruire les idées reçues et anticiper les risques
Certaines idées reçues subsistent au sein du secteur des biosolutions et peuvent conduire à des erreurs stratégiques :
1. Conformité au Protocole de Nagoya et valorisation des ressources naturelles
Idée reçue : "Les ressources naturelles françaises sont valorisables sans contraintes."
Une entreprise exploitant des ressources naturelles doit respecter le Protocole de Nagoya, qui régit l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages qui en découlent. Pour démontrer cette conformité et éviter des risques de sanctions ou la perte de marchés, il est crucial d’adopter des pratiques de traçabilité et de transparence :
- Mise en place de processus de traçabilité : Documenter l'origine des ressources naturelles et s'assurer qu'elles sont obtenues conformément aux législations locales et internationales.
- Accords avec les fournisseurs : Formaliser les partenariats avec des fournisseurs pour garantir que les ressources utilisées respectent les droits des communautés locales et les exigences environnementales, en intégrant des clauses spécifiques de traçabilité et de conformité.
- Communication proactive : Informer les parties prenantes et les clients de la conformité aux normes internationales (notamment le Protocole de Nagoya) pour renforcer la crédibilité de l’entreprise et réduire les risques de litiges.
2. Protection par le secret et complémentarité avec les brevets
Idée reçue : "Je conserve tout secret, donc je n’ai rien à faire."
La protection par le secret est courante dans les biosolutions, mais elle comporte des risques, notamment lorsque les innovations peuvent être reproduites par rétro-ingénierie. Une bonne stratégie de protection industrielle combine alors le secret et les brevets pour renforcer les barrières à l'entrée et réduire les risques de contrefaçon :
- Accords de confidentialité (NDA) et accords de transfert de matériel (MTA) : Utiliser systématiquement des NDA et MTA pour protéger le savoir-faire et les échantillons fournis à des tiers, qu'il s'agisse de fournisseurs, de partenaires de recherche ou de clients potentiels.
- Stockage sécurisé et contrôle des accès : Mettre en place des processus rigoureux pour limiter l’accès aux informations sensibles aux seuls collaborateurs concernés, en prévoyant un archivage et des protocoles de sécurité pour minimiser les fuites d'informations confidentielles.
- Analyse de brevetabilité : Évaluer la possibilité de protéger certains procédés ou formulations spécifiques, surtout dans les cas où la rétro-ingénierie est faisable.
3. Autorisation de mise sur le marché (AMM) et protection des procédés innovants
Idée reçue : "J’ai une AMM, donc je suis protégé, et on ne brevète pas le vivant."
L’AMM est indispensable pour la commercialisation des produits, mais elle n’offre aucune protection contre la contrefaçon. Une stratégie efficace inclut les éléments suivants :
- Protection des procédés de fabrication : Breveter les procédés de fabrication uniques ou les techniques de formulation spécifiques aux biosolutions afin d’empêcher leur copie.
- Protection des compositions innovantes : Breveter des compositions ou combinaisons de substances actives (huiles essentielles, co-formulants) constitue un moyen efficace pour restreindre l'accès aux concurrents.
- Veille concurrentielle et juridique : Surveiller les brevets existants et les dépôts concurrents permet de se tenir informé des innovations sur le marché, d'identifier les éventuelles contrefaçons, et d’envisager des recours légaux.
4. Combinaison des stratégies de brevet et de marque
Pour une protection industrielle complète, combiner le dépôt de brevets et la création d’une stratégie de marque peut renforcer la notoriété et la sécurité de l’innovation :
- Marques et logos protégés : Déposer une marque permet de sécuriser l’identité visuelle et d’attacher une image de confiance aux produits biosourcés. La marque devient un gage de qualité et de conformité pour les clients.
- Dépôt de brevets de procédé ou de produit : Dans le cadre des biosolutions, la protection des processus techniques par des brevets assure non seulement une barrière contre la concurrence mais confère également une valeur ajoutée qui distingue l’entreprise dans un marché concurrentiel.
Un plan d’actions pour répondre aux exigences du marché
Face à ces enjeux, un plan d'actions structuré peut s’avérer crucial :
- Conformité au Protocole de Nagoya : La mise en conformité avec le Protocole de Nagoya implique des démarches de traçabilité en partenariat avec les fournisseurs, garantissant une exploitation responsable des ressources naturelles.
- Protection de l’innovation : La start-up pourrait mettre en place des procédures pour protéger ses secrets industriels, tout en étudiant le dépôt de brevets pour certaines de ses formulations lorsque la rétro-ingénierie est possible.
- Stratégie de partenariats et distribution : L'exemple de cette start-up démontre également l’importance des partenariats commerciaux, qui permettent non seulement de garantir la conformité réglementaire, mais aussi de renforcer la présence de ses produits sur le marché. En s’associant à des distributeurs stratégiques, l'entreprise peut assurer la promotion de ses biosolutions tout en répondant aux exigences en matière de RSE.
En appliquant ces solutions, les entreprises du secteur des biosolutions peuvent sécuriser leurs innovations, renforcer leur compétitivité et s'assurer un développement durable dans un secteur en forte croissance. Une stratégie de propriété industrielle bien pensée constitue ainsi un levier majeur pour pérenniser et valoriser les efforts d'innovation dans l’agriculture durable.
Publié par
Stéphanie Massin Célaire
Associée gérante