Déroger ou non à la compétence de la Juridiction Unifiée du Brevet : Un autre enjeu pour les titulaires de brevets européens

La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) va entrer en vigueur en même temps que le brevet européen à effet unitaire. Cette nouvelle juridiction aura une compétence exclusive pour tous les brevets européens, ainsi que pour les certificats complémentaires de protection (CCP) délivrés pour un produit protégé par un brevet européen. Si cette compétence exclusive s’impose pour les brevets européens à effet unitaire, il sera possible, pendant une période transitoire, d’y déroger (« opt-out ») pour les brevets européens ne bénéficiant pas de l’effet unitaire. Les titulaires de brevets européens doivent donc dès à présent réfléchir à leur stratégie d’« opt-out ».

Paris, le 1er avril 2022 – La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) va entrer en vigueur en même temps que le brevet européen à effet unitaire que nous avons évoqué dans de précédents articles1 .

Cette nouvelle juridiction aura une compétence exclusive pour tous les brevets européens, ainsi que pour les certificats complémentaires de protection (CCP) délivrés pour un produit protégé par un brevet européen.

Si cette compétence exclusive s’impose pour les brevets européens à effet unitaire, il sera possible, pendant une période transitoire, d’y déroger (« opt-out ») pour les brevets européens ne bénéficiant pas de l’effet unitaire.

Les titulaires de brevets européens doivent donc dès à présent réfléchir à leur stratégie d’« opt-out ».

Quels sont les enjeux ?

En l’absence de dérogation, les litiges concernant un brevet européen, notamment les actions en contrefaçon et les actions en nullité, devront être portés devant la JUB.

Les décisions rendues par la JUB auront effet sur l’ensemble du territoire des Etats membres participants2.

Une action devant la JUB devrait donc être particulièrement avantageuse pour les titulaires de brevets confrontés à une contrefaçon dans plusieurs Etats membres participants, puisqu’elle se substituera à plusieurs actions nationales parallèles pouvant avoir des résultats divergents.

Inversement, si le brevet européen est invalidé à l’issue d’une action en nullité, le titulaire perdra sa protection sur l’ensemble du territoire des Etats membres participants.

Il est donc important de peser les bénéfices et les risques associés à la compétence de la JUB sur son portefeuille de brevets européens.
Certains titulaires choisiront peut-être de soustraire leurs brevets européens à la compétence de la JUB en attendant d’avoir de la visibilité sur le déroulement des actions et la jurisprudence.

Lorsqu’une dérogation aura été enregistrée, les litiges devront être portés devant les juridictions nationales compétentes.

Quels sont les titres concernés ?

Sont concernés par la possibilité de dérogation :

  • les brevets européens ne bénéficiant pas de l’effet unitaire,
  • les CCP délivrés pour un produit protégé par un brevet européen ne bénéficiant pas de l’effet unitaire,
  • les demandes de brevet européen publiées,

et ce, à condition qu’aucune action n’ait déjà été engagée devant la JUB.
La décision de déroger à la compétence de la JUB pour un brevet européen s’appliquera nécessairement au CCP issu de ce brevet. Inversement, un CCP ne pourra faire l’objet d’une dérogation si le brevet dont il est issu n’a pas fait l’objet d’une dérogation.

A quel moment inscrire la dérogation ?

Il sera possible de notifier une décision de dérogation dès une période de 3 mois précédant l’entrée en vigueur de l’Accord, appelée « sunrise period », qui pourrait s’ouvrir à compter du 1er juillet 2022.
La décision de dérogation devra être notifiée jusqu’à 1 mois avant la fin d’une période transitoire dont la durée est d’au moins 7 ans à compter de l’entrée en vigueur de l’Accord.
La dérogation sera alors valable pendant toute la durée de vie du brevet, sauf si le titulaire y renonce ultérieurement, comme envisagé plus bas.

Comment inscrire la dérogation ?

La dérogation devra être notifiée au greffe de la JUB, par l’intermédiaire d’un formulaire électronique. Elle ne sera pas soumise au paiement d’une taxe.

Seul le titulaire du brevet pourra notifier la décision de dérogation. En cas de copropriété, la notification devra être présentée par l’ensemble des titulaires. Par ailleurs, dans le cas où un CCP et le brevet européen dont il est issu n’ont pas les mêmes titulaires, la notification de la dérogation pour le CCP devra être présentée par le titulaire du brevet européen et le titulaire du CCP.

Il est à noter que le greffe ne vérifiera pas si la personne qui présente la demande de dérogation est le réel titulaire du brevet. En cas d’erreur, il sera possible de demander une correction mais celle-ci entraînera une nouvelle date d’enregistrement de la dérogation, si aucune action devant la JUB n’a été engagée à cette date.

Est-il possible de renoncer à la dérogation ?

Le titulaire pourra retirer la dérogation à tout moment, à condition qu’aucune action n’ait été engagée devant une juridiction nationale sur la base du brevet européen considéré.

Cette renonciation est définitive : il ne sera plus possible de déroger à nouveau à la compétence exclusive de la JUB.

Quelle stratégie adopter ?

Choisir de ne pas déroger à la compétence exclusive de la Juridiction Unifiée du Brevet, c’est avoir confiance en cette nouvelle juridiction.

La confiance s’acquérant généralement avec le temps, il serait compréhensible que certains déposants choisissent cette dérogation, en particulier pour leurs brevets stratégiques, le temps que la JUB rende ses premières décisions.

Sans nul doute, les déposants doivent se pencher sur leur portefeuille existant et profiter de la “sunrise period” pour déposer des dérogations pour leurs brevets pour lesquels il n’est pas envisageable de remettre dans les mains d’une juridiction totalement nouvelle leur validité dans tous les pays.

D’autres stratégies peuvent être mises en place en parallèle pour les demandes de brevet non encore délivrées, comme profiter de la coexistence d’un brevet européen et de sa priorité nationale (française par exemple), ou déposer une ou plusieurs demandes divisionnaires, chaque demande divisionnaire et la demande mère pouvant déroger ou pas à la compétence exclusive de la JUB.

Les équipes de Regimbeau sont à votre disposition pour vous conseiller dans ces choix stratégiques.

1 A ce jour, l’entrée en vigueur de l’Accord sur une Juridiction Unifiée du Brevet est prévue pour le 1er octobre 2022.
2 A la date d’entrée en vigueur, les Etats membres participants seront au nombre de 17 : Autriche, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède, Lituanie, Lettonie, Slovénie

Publié par

Frédérique Durieux

Associée
Responsable du bureau de Grenoble

Stéphanie Massin Célaire

Associée