Qui paie de bonne foi son Photographe (mais hasardeusement), paie deux fois !

La Société X (« Annonceur ») commande à son Agence Conseil en Communication (« Agence »), avec laquelle elle travaille depuis de nombreuses années (sans contrat écrit), la réalisation de documents promotionnels, comportant, notamment, des photographies.

La Société X (« Annonceur ») commande à son Agence Conseil en Communication (« Agence »), avec laquelle elle travaille depuis de nombreuses années (sans contrat écrit), la réalisation de documents promotionnels, comportant, notamment, des photographies.

Après avoir validé le « brief » avec son client, l’Agence se charge notamment de coordonner et réaliser l’ensemble du « shooting » nécessaire à la réalisation des prestations (identification du lieu des prises de vues, choix des mannequins, sélection du photographe, achat d’art, négociations des droits (…)).

Les prestations ayant été réalisées convenablement et à bonne date, l’Agence adresse sa facture à l’Annonceur, laquelle comprend :

  • Le patronyme du photographe ;
  • L’étendue de la concession des droits accordée par le photographe à l’Annonceur (territoires, supports et durée) ;
  • La rémunération « globale » versée par l’Agence au photographe ;
  • Le montant des frais techniques, ainsi que la commission de l’Agence (…).

L’Annonceur règle la facture et commence à exploiter les documents promotionnels conformément aux accords convenus avec l’Agence.

Une année après le début de l’exploitation de la « campagne » par l’Annonceur, l’Agence rencontre certaines difficultés financières et se trouve rapidement placée en situation de redressement judiciaire.

C’est dans ce cadre que le photographe (qui n’a jamais été rémunéré par l’Agence), contacte directement l’Annonceur afin que ce dernier lui règle l’intégralité des montants qui lui sont dus au titre des travaux réalisés (en ce compris d’une part, les honoraires visant le temps passé à la réalisation des photographies et d’autre part, les montants dus au titre de la concession de ses droits d’auteur) et ce, en dépit du précédent versement réalisé par l’Annonceur auprès de l’Agence, dix-huit mois plus tôt.

Le photographe soutien, à cet effet, que l’exploitation réalisée par l’Annonceur (sans contrepartie) constitue une « contrefaçon de ses droits d’auteur » et qu’en l’absence d’un règlement immédiat (comprenant d’une part, les montants dus et d’autre part, une indemnité compensatrice complémentaire), l’interdiction de la diffusion des outils promotionnels reproduisant les photographies, sera sollicitée auprès des tribunaux compétents et ce, sans délai (ladite demande judiciaire comportant bien évidemment de nombreuses autres exigences notamment financières).

C’est dans ce contexte, pour apurer le passif (une année d’exploitation réalisée par l’Annonceur sans contrepartie pour le photographe), poursuivre son exploitation future (deux années complémentaires) et se conformer aux droits et intérêts du photographe, que l’Annonceur a donc dû régler, pour la seconde fois, l’ensemble des montants dus par l’Agence au photographe …

Si vous pensez être à l’abri de cette situation, sans doute d’espèce, ne vous réjouissez pas trop vite … des problématiques similaires sont tout à fait susceptibles de se présenter en cas de manquement de vos prestataires (non-paiement ou paiement partiel de leurs sous-traitants, sans que ces derniers ne rencontrent nécessairement de situation de redressement judiciaire).

Cette situation concerne, bien entendu, l’ensemble des missions sous-traitées par vos prestataires auprès de tiers (designers, stylistes, photographes, infographistes, développeurs informatiques, ingénieurs du son (…), sans que cette liste ne soit exhaustive).

Bien que le dicton populaire « Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille » résonne ici détestablement, il n’en demeure pas moins que, l’Annonceur (bien qu’il n’ait pu imaginer que l’un de ses plus fidèles prestataires rencontrerait de telles difficultés et manquerait de la sorte à ses obligations) aurait pu davantage encadrer ses relations avec son Agence et les sous-traitants de cette dernière, ce qui aurait ainsi permis de minimiser les conséquences des difficultés rencontrées.

ET SI …

  • Et si l’Agence avait identifié distinctement, au sein de son bon de commande et/ou de la facture et/ou du contrat conclu avec le photographe, les frais techniques, les honoraires relatifs aux prises de vues ainsi que le montant correspondant à la concession des droits, seul ce dernier montant aurait pu être réclamé par le photographe à l’Annonceur (seule l’Agence étant liée juridiquement au photographe s’agissant des deux premiers montants).

L’Annonceur ne manquera donc pas, à l’avenir, d’exiger de son Agence (et de ses autres prestataires), qu’une mention spécifique (visant le montant alloué à la concession des droits) soit identifiée au sein des accords, bons de commandes et autres factures.

De même, l’Annonceur exigera que cette même mention apparaisse sur les accords, bons de commandes et autres factures émises par son Agence à son bénéfice.

  • Et si l’Annonceur et l’Agence avaient signé un contrat, des clauses de garanties auraient pu y intégrées conditionnant, par exemple, le paiement par l’Annonceur des factures émises par l’Agence, à réception de la confirmation du complet paiement et à bonne date des sous-traitants de l’Agence (…).

CONCLUSION

« Un homme averti en vaut deux » : Expression française du XVIIème siècle (identifiée, en son temps, sous le vocable « un bon averti, en vaut deux » et également traduit en anglais par « forewarned is forearmed »), signifie que le fait d’être informé d’un risque potentiel, vous place dans une situation favorable vous permettant, ainsi de faire face à une situation d’espèce déroutante, contrariante, désobligeante, dangereuse et/ou encore financièrement scandaleuse (…) ».

Publié par

Katia Pouilly

Responsable du Service Contrats
Valorisation & Data