A cet égard, il convient de rédiger des revendications claires. En effet, le monopole d’exploitation octroyé par le brevet impose de ne pas laisser les tiers dans le doute en ce qui concerne les objets qui sont couverts et ceux qui ne le sont pas. La jurisprudence des chambres de recours de l’OEB a quelque peu élargi cette notion de clarté, pour y intégrer l’exigence selon laquelle la revendication principale doit indiquer toutes les caractéristiques essentielles à la résolution du problème technique que l’invention vise à résoudre. Lors de la rédaction, il convient dès lors, de concilier, d’une part, la recherche d’élargissement maximal de portée des revendications, dans l’intérêt du titulaire, et, d’autre part, la limitation de cette même portée en précisant les caractéristiques essentielles.
Mais ce n’est pas tout.
En effet, le brevet doit pouvoir résister à des attaques de défaut de brevetabilité, et notamment d’absence d’activité inventive. Et, là encore, les revendications jouent un rôle clef. De fait, l’activité inventive est généralement appréciée sur la base de l’effet technique associé à l’apport spécifique de l’invention par rapport à l’existant, lequel est énoncé dans la revendication principale. Pour autant, pour que cet effet technique soit pris en compte, il est nécessaire qu’il soit obtenu sur toute la portée de cette revendication.
Pour comprendre ce critère, prenons l’exemple suivant. Un procédé innovant permet de produire une crème cosmétique dont l’absorption à travers la peau est bien plus rapide que dans l’état de l’art. Ce procédé implique, notamment, une étape de chauffage à une température de 150°C tandis que, habituellement, le chauffage est réalisé à des températures proches de 50°C. Et, il est clair que la rapidité d’absorption est positivement corrélée au niveau de chauffage. Lors de la rédaction, il pourrait être tentant de revendiquer que l’étape de chauffage est mise en œuvre à une température supérieure à 60°C, ce qui permettrait de se démarquer de l’état de l’art, tout en conférant une protection étendue au brevet. Le risque, toutefois, serait qu’il soit ultérieurement prouvé que l’effet technique mis en avant, à savoir la meilleure rapidité d’absorption, n’est, en fait, obtenu qu’à partir de 100°C, et non sur la plage de température comprise entre 60°C et 100°C, pourtant couverte par la revendication. L’effet technique n’étant pas obtenu sur toute la portée de la revendication, cela conduirait alors à un défaut d’activité inventive de l’objet de la revendication en question, puisqu’une partie au moins des procédés couverts par cette revendication n’implique pas d’activité inventive.
De telles considérations sont souvent abordées dans le domaine de la chimie, dans lequel des exemples analogues à celui présenté se rencontrent régulièrement. Toutefois, elles font de plus en plus l’objet de discussions dans les domaines de la mécanique, de l’informatique, de l’électronique ou des télécommunications. Typiquement, cet aspect est très largement discuté dans la décision G1/19 de la Grande Chambre de recours de l’OEB et dans la décision T 0489/14 correspondantes, lesquelles portent sur un procédé de modélisation du mouvement d’une foule de piétons au sein d’un environnement. Pour apprécier l’activité inventive d’un tel procédé, s’était notamment posée la question de l’effet technique produit par les données de modélisation générées par le procédé revendiqué.
Et, l’OEB a conclu que, dans certains modes de réalisation couverts par la revendication, par exemple dans le cadre d’un jeu vidéo ou d’un cours universitaire, de telles données pouvaient ne pas avoir d’applications techniques, si bien qu’elles ne pouvaient contribuer à une activité inventive. Dès lors, une activité inventive ne pouvait être justifiée sur toute la portée de la revendication, qui a donc été rejetée en ce sens.
Cet exemple, parmi d’autres, démontre combien prendre en compte ces questions, et ce dès le stade de la rédaction, est primordial.
Les équipes de Regimbeau sont pleinement mobilisées pour vous accompagner à cet égard, n’hésitez pas à les solliciter pour toutes questions.
Publié par
Aurélien Grimberg
Conseil en Propriété Industrielle Mandataire en Brevets Européens
Sylvain Thivillier
Associé Responsable du bureau de Munich