Marques et usage : un éclairage sur l’affaire Big Mac

Tout le monde en parle, mais que s’est-il passé ? La société McDonald International Property Company Ltd. (« McDonald »), géant de la restauration rapide, a-t-elle vraiment perdu ses droits sur la marque BIG MAC ?

Paris, le 12 février 2019 – Tout le monde en parle, mais que s’est-il passé ? La société McDonald International Property Company Ltd. (« McDonald »), géant de la restauration rapide, a-t-elle vraiment perdu ses droits sur la marque BIG MAC ?

Rappel préliminaire de droit de marques : Dans un délai de 5 ans à compter de l’enregistrement d’une marque de l’Union Européenne, son titulaire doit être en mesure de prouver l’usage sérieux de sa marque, sur le territoire de l’union Européenne, pour les produits et services qu’elle désigne. A défaut, un tiers pourrait en obtenir la nullité dans le cadre d’une action en déchéance pour non usage.

C’est précisément l’action qu’a intentée le 10 avril 2017 la société Supermac’s (Holdings) Ltd, une chaîne de restauration rapide irlandaise, en conflit avec la société Macdonald malgré une longue période de coexistence tacite.
En réponse à l’action en déchéance, McDonald a donc dû démontrer l’usage sérieux de sa marque BIG MAC, enregistrée depuis le 22 décembre 1998, sur le territoire de l’Union Européenne, pour les produits et services désignés par celle-ci en classes 29, 30 et 43.

Mais qui aurait pu penser que McDonald ne parvienne pas à démontrer un usage sérieux de sa marque si connue BIG MAC pour des sandwiches et des services rendus dans le cadre de franchise de restaurants ? C’est pourtant ce qu’a considéré la décision du 11 janvier 2019 de la Division d’Annulation de l’EUIPO !

Pour la comprendre, rappelons que l’usage sérieux d’une marque de l’Union Européenne s’apprécie au regard de tous les faits et circonstances visant à établir si l’exploitation est réelle sur le territoire de l’Union Européenne dans les 5 années précédant l’action en déchéance.

A cet effet, les preuves doivent établir le lieu, la date, l’intensité et la nature de l’usage, chacun de ces facteurs devant faire l’objet d’une justification.

Or la société McDonald a fourni :

  • des affidavits signés par des représentants de Mac Donald en France, en Allemagne et au Royaume Uni affirmant que les chiffres des ventes de sandwiches étaient importants,
  • des brochures et affiches publicitaires montrant des sandwiches au sein d’un menu et leurs emballages accompagnés d’un prix,
  • des extraits de leurs sites internet dans 18 pays européens faisant apparaitre le burger BIG MAC et
  • un article extrait de Wikipedia sur le sandwich BIG MAC.

En quoi ces preuves ont-elles pu apparaître comme insuffisantes ?

Si les affidavits sont en effet des preuves ayant une certaine force probante, celle-ci est affaiblie par le fait qu’ils sont signés par les représentants du titulaire de la marque ou par ses employés. Dès lors, de telles attestations doivent être corroborées par d’autres preuves provenant de sources externes à la société.  

Bien que certaines autres preuves fournies montrent effectivement un usage pour des produits visés par la marque (à tout le moins les sandwiches), à des dates correspondant à la période pendant laquelle l’usage devait être prouvé sur le territoire de l’Union Européenne, la société McDonald n’a pas produit d’éléments relatifs à l’intensité de cet usage.

Cette intensité, s’évalue en fonction de la nature des produits/services, de leur volume de vente, leur durée et leur fréquence. Il est ainsi indiqué que les documents (brochures, affiches, menus, packagings) ne permettaient pas de déduire le montant des ventes et du chiffre d’affaires mentionnés dans les affidavits. Quant aux impressions provenant des différents sites, leur taux de fréquentation, les lieux et périodes des offres n’avaient pas été fournies.

Enfin la crédibilité de l’article provenant de Wikipedia a été contestée car il peut être modifié par les utilisateurs.

Il semblerait ainsi qu’il ait manqué un lien entre d’une part les informations présentes dans les affidavits et d’autre part les divers autres documents et que les informations prouvant la quantité de produits réellement offerts et vendus n’aient pas été fournies de façon suffisante.

Dans le cadre de telles procédures en déchéance pour non usage, il convient donc de ne pas se reposer sur les lauriers de la renommée de son produit mais d’être extrêmement rigoureux sur les preuves à fournir afin qu’elles répondent à tous les critères visant à prouver un usage sérieux des produits et des services au sein de l’Union Européenne.

Nous sommes bien entendu à votre disposition pour vous accompagner dans de telles procédures et à vous aider bien en amont à conserver les preuves pertinentes, ou à construire l’argumentaire vous permettant de répondre efficacement à ce type d’actions qui devraient se multiplier dans les années à venir dans le cadre de la loi PACTE de transposition de la Directive européenne N° UE 2015/2436 sur la modernisation du droit des marques, qui rendra de telles actions plus accessibles.

Rassurons tout de même les amateurs de BIG MAC et les titulaires de droits de marques ! La société McDonald fera très probablement appel de cette décision et tentera sûrement de compléter ses preuves d’usage.

Par ailleurs, elle a eu la bonne idée de redéposer sa marque le 6 octobre 2017 (cette nouvelle marque n’est donc pas encore soumise à l’obligation d’usage), soit 6 mois après le début de l’action par la partie adverse… D’autres oppositions et actions entre McDonald et Supermac sont également en cours. Une nouvelle saga commence, comme le droit des marques sait en créer.

Affaire à suivre donc !

Publié par

Caroline Huguet-Braun

Responsable du Bureau de Rennes

Evelyne Roux