Lutte anti-contrefaçon : une stratégie douanière renforcée et davantage ciblée

Le 1er octobre dernier, le Ministère de la Justice et le Directeur des affaires criminelles et des grâces ont adressé aux instances judiciaires un document présentant la nouvelle stratégie de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) en matière de lutte contre la contrefaçon.

Paris, le 12 février 2019 - Le 1er octobre dernier, le Ministère de la Justice et le Directeur des affaires criminelles et des grâces ont adressé aux instances judiciaires un document présentant la nouvelle stratégie de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) en matière de lutte contre la contrefaçon.

Cette nouvelle stratégie – dont nous vous présentons les objectifs majeurs ci-après – s’inscrit dans une volonté de lutter plus efficacement et rapidement contre la contrefaçon, mais également de protéger davantage le consommateur.

Pour cela, la direction générale des douanes prévoit de :

  1. Différencier les contrôles douaniers afin de concentrer les efforts sur les situations à forts enjeux de fraude. Ainsi, sans pour autant cesser totalement tout contrôle et/ou saisie, les services douaniers limiteront leurs actions s’agissant des cas de fraudes aux enjeux « faibles ». Cela concerne par exemple les articles mis en vente dans les foires, brocantes et marchés ou bien encore les articles ramenés par des voyageurs et destinés – pour la majorité des cas – à un usage personnel.

    De la même façon, les services douaniers entendent privilégier la collecte d’informations s’agissant du fret express ou postal (le nom de l’expéditeur, du destinataire et leurs adresses). L’objectif étant d’enrichir une base de données et de renseignements afin de tenter de lutter contre la contrefaçon directement à la source.

    Par cette réorganisation, l’administration des douanes entend trouver un moyen plus rapide pour traiter les dossiers à faibles enjeux et ainsi gagner du temps pour lutter contre les trafics de marchandises prohibées et dangereuses pour la santé et/ou la sécurité du consommateur. En outre, cela lui permettra également de mettre à profit toutes les informations collectées afin de tenter de démanteler les réseaux de fraude organisés.

  2. Responsabiliser davantage les titulaires des droits ayant déposé des demandes d’intervention, afin de permettre aux services douaniers de gagner du temps et de ne pas engager de frais inutilement.  

    Jusqu’à aujourd’hui, la DGDDI avait la possibilité de placer les marchandises en retenues suite à une demande d’intervention de la part du titulaire des droits, ou de saisir de façon autonome les marchandises apparaissant contrefaisantes (autrement dit, sans requête expresse du titulaire). Toutefois, l’administration douanière souhaite généraliser la retenue des marchandises sur demande du titulaire afin de ne pas réaliser de saisies auxquelles les titulaires de droits ne donneront pas suite.

    En outre, la retenue des marchandises implique que le titulaire des droits remplisse la part de son contrat en transmettant une expertise du caractère contrefaisant de la marchandise et, en validant la suite de la marche à suivre (destruction simplifiée de la marchandise ou action en justice). Désormais, lorsque le titulaire ne se conformera pas à ces exigences – lesquelles peuvent avoir de réelles conséquences pour les services douaniers (pertes de frais de stockage, versement de dommages et intérêts au détenteur de la marchandise…) – la mainlevée des marchandises sera automatiquement prononcée par la DGDDI. Cette disposition s’appliquera, peu important le caractère contrefaisant des marchandises, à l’exception des marchandises dangereuses ou issues d’un réseau organisé de fraude.

    Dans la lignée de cette nouvelle démarche, la douane pourra éventuellement « sanctionner » le titulaire des droits qui ne respecterait pas la procédure en suspendant sa demande d’intervention.

  3. Privilégier au maximum la procédure de destruction simplifiée – avec l’accord du titulaire des droits et du détenteur – pour les cas de contrefaçons sans enjeux particuliers (pas de réseau identifié ou pas de situation dangereuse pour les consommateurs). Cette procédure s’applique, à condition que ne soient pas constatées dans le même temps d’autres infractions douanières. Les frais de stockage et de destruction de la marchandise seront à la charge du titulaire des droits.

  4. Une saisie des marchandises systématique en cas de dangerosité ou de réseau organisé. Il s’agit de la nouvelle priorité de la DGDDI, laquelle appliquera cette procédure sans tenir compte de l’avis et de la position du titulaire des droits et avec pour objectif d’obtenir l’ouverture d’une enquête administrative et/ou judiciaire.

  5. Un renforcement des échanges d’informations entre les douanes et les parquets s’agissant des mises en retenue. Cela permettra notamment une mise en relation plus rapide et plus efficace avec les affaires judiciaires déjà en cours.

  6. Un renforcement des poursuites pénales avec une réelle coordination de l’action du Ministère public et des directions régionales des douanes. Encore une fois, la DGDDI souhaite que les poursuites soient concentrées, non pas seulement sur les marchandises en lien avec la criminalité organisée, mais également sur les cas de marchandises contrefaisantes dangereuses pour la santé et la sécurité du consommateur (des circonstances aggravantes pourront d’ailleurs être retenues).

A l’heure où le trafic de marchandises est en constante évolution et constitue – dans la majeure partie des cas – un réel danger pour les consommateurs, ces mesures nous semblent intéressantes et nécessaires. La volonté de se concentrer directement sur la source de ces trafics (grossistes, réseaux organisés…) à l’aide notamment de la collecte d’informations, pourrait permettre de concentrer les efforts et de mettre un terme définitif à certains réseaux organisés et « éparpillés » dans différents lieux géographiques ou sur Internet.

Ces mesures devraient en outre s’accompagner d’un nouveau plan d’actions des douanes de l’Union européenne dont un projet a été rendu le 24 septembre 2018 par le Conseil de l’Union européenne et lequel prévoit de nouvelles actions visant à réprimer le plus efficacement possible les atteintes aux droits de la propriété intellectuelle .