La collection « capsule » : Vigilance accrue s’agissant des actifs de Propriété Intellectuelle objets de ce concept marketing à succès !

Mieux connues sous le vocable « hors collection saisonnière », les « collections capsules » peuvent être proposées par une marque ou une enseigne, sans inclure de collaboration, à l’occasion d’un évènement que le(s) annonceur(s) souhaite(nt) mettre en avant. Nous nous intéresserons aujourd’hui au concept de la collection « capsule » avec collaboration.

Pourquoi les collections « capsule » sont-elles si séduisantes ?

Dans cette hypothèse, la collection « capsule » prendra la forme d’une collaboration entre une enseigne (ou une marque) et un artiste/créateur ou encore une personnalité, destinée à créer une collection de produits et/ou services, en série limitée, sur une courte période.

Notez que cette collaboration pourra également être mise en place entre deux enseignes ou encore deux marques relevant, ou non, d’un même secteur d’activité et bénéficiant chacune d’une notoriété/renommée équivalente (ou pas).

Ces collaborations, particulièrement présentes dans les secteurs de la mode et du prêt-à-porter, permettent notamment, à chacun des annonceurs, d’accroître leur chiffre d’affaires, de générer davantage de trafic, de percer de nouveaux marchés tout en bénéficiant de la notoriété de l’autre partenaire.

Dans le cadre de la création d’une collection « capsule », vos droits de Propriété Intellectuelle (ci-après « PI ») doivent faire l’objet d’une attention particulière

La collaboration entre deux annonceurs à l’occasion d’une collection « capsule » implique, le plus souvent, que chacun utilise un ou plusieurs signes distinctifs de l’autre (la marque par exemple).

Dans les faits, il s’agira d’apposer le signe sur les pièces concernées par la collection, tout en l’exploitant à l’occasion de la promotion de la collaboration.

Précisons que les pièces et produits créés à l’occasion de la collaboration entre les annonceurs sont susceptibles de protection par de larges droits de PI autres que les marques tels que les dessins, les modèles, les droits de la personnalité et autres droits d’auteur (…). 

Point de vigilance également s’agissant de l’exploitation de vos droits de PI préexistants

L’exploitation par un tiers (y compris le partenaire de la collection) des droits de PI préexistants à la collaboration (propres à chacun des annonceurs ou à un seul d’entre eux) suppose d’être particulièrement encadrée notamment par le biais d’un contrat de licence (lequel encadrera la durée, la zone géographique, les supports et encore la ou les éventuelles contrepartie(s) financière(s)(…)).

Une telle licence pourra être « unilatérale » (un seul annonceur accorde le droit à l’autre d’exploiter son/ses actif(s) de PI) ou encore « croisée » (chacun des annonceurs s’accorde des droits visant les actifs de PI dont il est, avant la collaboration, le titulaire/bénéficiaire exclusif).

Dans l’hypothèse où la collaboration ne serait pas encadrée par un contrat de licence, l’exploitation par l’un des annonceurs d’un actif de PI appartenant à l’autre pourrait potentiellement être caractérisée d’acte de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale/parasitisme, passible de sanctions.

 Il revient donc à chacun d’être prévoyant afin, notamment, de ne pas diluer sa marque, ni altérer son image (ou celle du partenaire), et ce, particulièrement pour des marques notoires ou de renommée (notamment car la marque est un actif majeur et essentiel pour une entreprise).

Précautions complémentaires visant les éventuels nouveaux droits de PI issus de la collection « capsule » 

Les créations, produits et/ou services réalisés dans le cadre de la collection « capsule » sont également susceptibles de protection par des droits de PI.

En conséquence, il est important de convenir de la titularité (et/ou cotitularité) des droits de PI sur ces créations, avec le partenaire et ce, avant même la finalisation du projet.

Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées entre les annonceurs.

Généralement, l’attribution de la titularité dépend des circonstances dans lesquelles les créations sont réalisées et/ou seront exploitées.

Les droits de PI issus de la collaboration peuvent être i) détenus en copropriété par les annonceurs ou ii) appartenir en intégralité à un seul d’entre eux ou encore ou iii) être détenus en copropriété pour les uns et conservés à titre exclusif pour les autres.

Chacune de ces hypothèses suppose que les annonceurs, par le biais de contrats, formalisent leurs accords (contrat de cession, de licence ou encore règlement de copropriété).

A titre d’exemple, un actif de PI détenu en copropriété impliquerait la rédaction d’un règlement de copropriété entre les annonceurs copropriétaires, aux fins de déterminer les règles applicables à leur titularité partagée (le règlement de copropriété devrait prévoir le pourcentage de quote-part de propriété détenue par chacune des parties, les domaines d’activités partagés et exclusifs, les modalités de gestion et d’exploitation de l’actif, les répartitions financière (…)).

Cependant, si les droits de PI issus de la collaboration sont détenus intégralement par une seule partie, cette dernière devra accorder à l’autre, un droit d’exploitation (par le biais d’un contrat de licence), dans le cadre de la collaboration « capsule ». Le schéma contractuel sera alors semblable à celui évoqué ci-dessus concernant les actifs préexistants à la collaboration.

N’oubliez pas les éventuelles actions à mettre en place s’agissant de la/des « nouvelle(s) » marque(s) issue(s) de la collaboration 

Une collection « capsule » peut être accompagnée par un ou plusieurs nouveaux dépôts notamment de marques, bien que ces démarches ne soient pas systématiques.

Si les produits et/ou les services créés pendant et/ou à l’issue de la collaboration portent et/ou sont exploités sous une nouvelle identité, il semble pertinent de déposer ce(s) signe(s) à titre de marque (notamment) et d’encadrer sa/leur titularité, sous réserve qu’il(s) soi(en)t distinctif(s) et disponible(s).

Bien qu’un nouveau dépôt de marque ne soit pas toujours nécessaire, il semble intéressant pour les annonceurs, tant d’un point de vue communication, marketing que juridique, de choisir « d’étendre » la protection de leurs marques préexistantes à de nouvelles classes de produits et/ou services en effectuant des dépôts complémentaires. Cela permettrait, en effet, aux annonceurs d’assurer la protection et l’exploitation de leurs droits sur de nouveaux marchés et notamment, sur le(s) marché(s) sur le(s)quel(s) se positionne l’autre partenaire à la collaboration.

Toutefois, si une telle stratégie d’extension était privilégiée par le(s) annonceur(s), il conviendrait que ces dépôts complémentaires soient accompagnés d’une exploitation effective desdits produits et/ou services visés au sein du/des dépôt(s) de marque(s).

Ces considérations sont importantes puisqu’une marque doit répondre à une réelle justification commerciale et ne pas avoir pour seul objet le maintien des droits qu’elle confère.

La marque doit ainsi faire l’objet d’un « usage réel et sérieux » pour ne pas être « déchue ».

A titre d’exemple, l’INPI[1] a déjà eu à se prononcer s’agissant de « l’usage sérieux » d’une marque exploitée pour des « collections capsules », dans le cadre d’une « action en déchéance ».

Dans les faits, le demandeur, faisant valoir la faible quantité de produits commercialisés et invoquait le fait que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux en soulevant, notamment, que :

  • Pour apprécier le caractère « sérieux » de l’usage d’une marque, il convenait de tenir compte du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage et de la période pendant laquelle ces actes avaient été accomplis, en tenant compte de leur fréquence ;
  • Dans le domaine vestimentaire, qu’un seuil élevé de preuves d’usage est exigé par les magistrats.

Le (seul) titulaire de la marque contestée (également annonceur dans le cadre de la collection « capsule »), quant à lui, faisait valoir que ladite marque était exclusivement exploitée dans le cadre de diverses collaborations, l’objectif poursuivi étant de véhiculer l’exclusivité accordée aux côtés d’une Maison de luxe.

Par conséquent, il indiquait que l’exploitation de la marque était occasionnelle et n’avait pas vocation à réaliser des volumes de vente significatifs, tout en apportant les preuves (contrats signés à l’occasion des collaborations, factures, lookbook (…)) de l’usage de la marque contestée, pendant la période pertinente et sur le territoire français.

L’INPI a alors considéré que les pièces transmises par le titulaire de la marque contestée faisaient état d’un usage « sérieux » du signe à titre de marque (3 saisons concernées, plusieurs milliers de produits commercialisés, un chiffre d’affaires de 115.000 €), aussi bien sous la forme verbale (sous laquelle elle avait été enregistrée), qu’en combinaison avec les marques de tiers avec lesquelles les collaborations avaient été réalisées.

En conséquence, cette décision rappelle et confirme qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit soumis à une quantité dite « importante » pour être qualifié de « sérieux » si les conditions d’exploitation et la nature des produits et/ou services le justifient.

Ainsi, le fait qu’une marque ne soit exploitée qu’à titre occasionnel, dans le cadre d’opérations exclusives (notamment des collections « capsules »), n’exclut pas, par principe, son usage « sérieux ».

Enfin, restez attentif s’agissant des obligations issues de la responsabilité des produits défectueux 

La réalisation de collections « capsule » suppose également un point d’attention particulier s’agissant du droit de la responsabilité.

La fonction essentielle de la marque étant de garantir au consommateur l’identité visant l’origine des produits et/ou des services désignés au sein des dépôts correspondants (en lui permettant de distinguer le(s) produit(s)/service(s) de ceux qui ont une autre provenance), il pèse sur le titulaire de la marque une responsabilité avérée.

Une directive de 1985[2] a instauré, en effet, un régime de « responsabilité sans faute » applicable au « producteur » (identifié comme « le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première ou le fabricant d’une partie composante et toute personne qui se présente comme producteur, en apposant sur le produit son nom, sa marque et/ou un autre signe distinctif lorsqu’un dommage résulte du défaut de son produit).

En conséquence, la directive visant la « responsabilité des produits défectueux » s’applique aussi à celui qui appose sa marque et/ou concède le droit d’apposer sa marque à un tiers. La responsabilité du titulaire de la marque pourrait ainsi être recherchée, sans que celui-ci participe au processus de fabrication ou se présente comme producteur, dans le cadre d’une collection « capsule ».

Il est donc important, pour le titulaire de la marque (objet de la collection « capsule »), de prévoir, au sein des accords conclus i) des garanties suffisantes de la part des fabricants ii) des contrôles de la qualité des produits fabriqués par des tiers ainsi que iii) la possibilité de recours contre ces tiers dans l’hypothèse où le niveau de qualité attendu ne serait pas respecté.

Il découle de toutes ces considérations que si une collection « capsule » peut, sans aucun doute, être considérée comme une opportunité notamment marketing, il convient assurément de sécuriser la relation en amont en analysant et en définissant cette relation d’un point de vue contractuel sans négliger les aspects droits de PI du projet.

Regimbeau dispose de services compétents et expérimentés en la matière (Marques, Dessins & Modèles, Contrats, …) et se tient à votre entière disposition pour échanger à ce propos.


[1] Décision de l’INPI 9 avril 2021, DC 20-0022

[2] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

Publié par

Marion Jouy

Juriste Contrats et Propriété Intellectuelle

Maïna Guennoc

Juriste en propriété industrielle