La rémunération des inventeurs salariés : Pourquoi et comment mettre en place une politique d’entreprise adaptée ?

La loi française impose une rémunération supplémentaire pour les salariés inventeurs d’une invention de mission. Bien qu’en vigueur depuis 30 ans, cette disposition, qui n’est pas accompagnée de modalités concrètes de calcul de cette rémunération supplémentaire, reste difficile à appréhender par bon nombre d’entreprises.

Paris, le 07 janvier 2021 La loi française impose une rémunération supplémentaire pour les salariés inventeurs d’une invention de mission. Bien qu’en vigueur depuis 30 ans, cette disposition, qui n’est pas accompagnée de modalités concrètes de calcul de cette rémunération supplémentaire, reste difficile à appréhender par bon nombre d’entreprises.

Nous avons évoqué dans un précédent article la désignation des inventeurs et montré l’importance qu’elle revêt dans la titularité et la gestion des inventions.

Nous nous intéressons dans le présent article uniquement aux inventeurs salariés, c’est-à-dire disposant d’un contrat de travail de droit français.

L’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle distingue trois catégories d’inventions de salariés :

  • Les inventions de mission, qui sont réalisées par un salarié dans le cadre d’une mission inventive correspondant à ses fonctions effectives (mission permanente), ou bien d’études ou de recherches qui lui ont été explicitement confiées (mission occasionnelle). Ces inventions appartiennent à l’employeur, qui doit en contrepartie verser une rémunération supplémentaire à l’inventeur.
  • Les inventions hors mission attribuables, qui sont réalisées par un salarié à l’occasion de l’exécution de ses fonctions, dans le domaine des activités de l’entreprise, et/ou par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise. Ces inventions appartiennent au salarié, mais l’employeur peut se faire attribuer le droit au brevet, en contrepartie du versement d’un juste prix à l’inventeur.
  • Les inventions hors mission non attribuables, qui sont les inventions n’appartenant pas aux deux premières catégories. Ces inventions appartiennent au salarié, sans que l’employeur ne puisse se voir attribuer le droit au brevet.

Lors de la déclaration de son invention à son employeur, l’inventeur doit également proposer son classement dans l’une de ces trois catégories, et l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour donner son accord sur ce classement ou en proposer un autre ; l’absence de réaction de la part de l’employeur valant présomption d’acceptation du classement proposé par l’inventeur.

Cette étape est importante car elle conditionne la nature et le niveau de rémunération de l’inventeur.

Le juste prix, dû à l’inventeur dans le cas d’une invention hors mission attribuable, doit être déterminé en fonction des apports initiaux de l’employeur et de l’inventeur, et de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention. Il existe différentes méthodes d’évaluation financière pour déterminer ce juste prix, qui sont mises en œuvre au cas par cas.

En revanche, la rémunération supplémentaire gagne à être encadrée précisément dans un protocole de rémunération qui devra être porté à la connaissance des salariés.

Dans la jurisprudence récente des tribunaux français, nous constatons qu’en général, si un protocole de rémunération existe dans l’entreprise, il est appliqué par le tribunal. En revanche, en l’absence d’un tel protocole, des montants de rémunération bien supérieurs à la moyenne peuvent être accordés à l’inventeur.

Un tel protocole doit envisager notamment la définition des personnes considérées comme des inventeurs, le montant à verser en fonction d’événements à définir, les modalités de répartition entre co-inventeurs. 

Le montant de la rémunération est bien sûr un point central du protocole.

La convention collective, si elle existe, constitue le premier texte légal à consulter pour déterminer les modalités de calcul de la rémunération supplémentaire. Cependant, l’on trouve encore trop souvent des clauses de rémunération supplémentaire non admises par les tribunaux car imposant des critères de rémunération plus restrictifs que la loi.

Or, la rémunération supplémentaire est due dès lors que l’invention est brevetable, quelle que soit la décision de déposer ou non une demande de brevet, qui reste à la discrétion de l’employeur.

En pratique, les entreprises disposent d’une grande liberté dans le choix des événements déclenchant un versement, du calendrier des paiements, mais également des montants de rémunération supplémentaire associés, par exemple :

  • Validation de la déclaration d’invention
  • Premier dépôt d’une demande de brevet
  • Extensions à l’étranger
  • Délivrance d’un brevet
  • Exploitation de l’invention

La rédaction d’un protocole de rémunération est donc de l’intérêt mutuel de l’entreprise et des inventeurs.

Sa mise en œuvre nécessite néanmoins la mise en place, dans l’entreprise, d’une organisation inter-services adaptée pour gérer efficacement les déclarations d’inventions et la rémunération supplémentaire qui en découle.

Un comité brevets intervenant de manière transversale avec les différents services en charge de la gestion des événements clés qui auront été fixés par le protocole peut être une aide précieuse pour piloter au mieux les interactions nécessaires à la bonne conduite du protocole. Il s’agit en effet de s’assurer que la mission inventive soit explicitement énoncée aux salariés concernés, de valider les déclarations d’inventions, la désignation des inventeurs et le classement de l’invention, de décider du dépôt ou non d’une demande de brevet, et de verser la rémunération supplémentaire en temps utile.

La mise en place d’un protocole de rémunération des inventeurs salariés, couplé à une désignation rigoureuse des inventeurs, permet à l’employeur de remplir ses obligations envers ses salariés, contribuant ainsi à réduire le risque de contentieux mais aussi à motiver encore davantage les inventeurs.