La législation relative au cannabis et à ses produits dérivés est en constante évolution, et peut être très différente d’un pays à l’autre, y compris au sein de l’Union Européenne.
Ainsi, alors que l’Allemagne a légalisé l’usage du cannabis récréatif en avril 2024, la France vient d’interdire, début juin 2024, la production, la vente et l'usage de substances cannabinoïdes (H4-CBD, H2-CBD, THCP, HHCPO) « en raison des risques et de la possible dépendance liés à leur usage » selon les termes de l'ANSM.
Mais que signifient ces acronymes : H4-CBD, THCP, … ? Petit tour d’horizon des « cannabinoïdes mineurs » qui intéressent de plus en plus les industriels, comme le révèle notre cartographie brevets sur cette thématique.
Comme nous l’indiquions dans notre précédent article du 17 mai 2021, de nombreuses demandes de brevet relatives au cannabis et à ses utilisations ont déjà été déposées devant les offices de brevets, à un rythme d’environ 1500 à 2000 publications par an dans le monde.
Ce précédent article présentait les grandes tendances et les principaux déposants du domaine ; intéressons-nous ici plus spécifiquement aux cannabinoïdes identifiés récemment.
Le cannabidiol (CBD)
Parmi la centaine de cannabinoïdes identifiés à ce jour, le cannabidiol (CBD) est l’un des plus connus du grand public. Sa commercialisation et sa consommation ne sont pas interdites sur le territoire français. Connu pour son action relaxante, le CBD est un cannabinoïde « majeur » car présent en grande quantité dans la plante de cannabis sativa.
Sans surprise, le nombre de demandes de brevet européen citant ce produit (dans les champs titre/abstract/revendications) a « explosé » jusqu’à atteindre un pic de 824 demandes de brevet publiées en 2021 (dans le monde) :
L’illustration ci-dessous représente la répartition desdites demandes de brevet (dans le monde) relatives au CBD par grande famille technologique.
Naturellement, le domaine pharmaceutique regroupe le plus grand nombre (66%) des demandes de brevet. On peut être étonné de retrouver des demandes de brevet classifiées dans les domaines « Electrical engineering » ou « instruments » : il s’agit de demandes relatives aux instruments utilisés dans l’extraction et/ou le traitement des produits cannabinoïdes, ou encore aux appareillages pour fumer, tels que les cigarettes électroniques ou les chichas.
En y regardant de plus près, on observe que les déposants majoritaires dans les domaines pharmaceutique et chimique déposent également des demandes de brevet classifiées dans les autres domaines (machine tools, telecommunications). Ainsi, une véritable stratégie de dépôts est employée par les acteurs du domaine, afin de protéger les produits (cannabinoïdes), leurs utilisations (pharmaceutiques ou autres), les procédés d’extraction (et les appareillages nécessaires) ainsi que les produits dérivés ou permettant la consommation (cigarettes électroniques…).
Cannabinoïdes mineurs
Les cannabinoïdes « mineurs » se trouvent en (toutes) petite concentration dans les plantes de cannabis. Ils présentent toutefois, eux-aussi, des effets psychotropes et/ou à potentiel médical.
Parmi eux, citons les cannabigérols (CBG), les cannabichromènes (CBC), les cannabinols et cannabinodiols (CBN), ainsi que la tétrahydrocannabivarine (THCV), dont la commercialisation et la consommation sont autorisées en France.
Le graphe ci-dessous montre l’évolution des dépôts de demandes de brevet relatives aux cannabinoïdes en général (en bleu foncé), et à ces quatre cannabinoïdes mineurs (CBG, CBN, CBC et THCV) en particulier, sur les 10 dernières années dans le monde.
Comme pour le CBD, un pic de publications a eu lieu en 2021 dans le monde; depuis, le nombre de publications de demandes de brevet relatives aux cannabinoïdes tend à la baisse. Les demandes relatives aux cannabinoïdes mineurs représentaient 30 % des publications en 2019, 33.5% en 2020, et jusqu’à 39% en 2021, avant d’amorcer elles aussi une baisse pour atteindre 35% des publications en 2023.
La répartition de ces demandes relatives aux cannabinoïdes mineurs selon les domaines technologiques est comparable à celle obtenue pour les demandes « CBD », avec presque 71% des demandes ayant trait au domaine pharmaceutique :
Mais revenons aux cannabinoïdes mineurs récemment interdits en France.
Le H4-CBD ou CBD hydrogéné est un cannabinoïde synthétique dérivé du CBD. Cette version modifiée de la molécule naturelle induirait des effets plus intenses que le CBD originel.
Le H2-CBD ou dihydrocannabidiol est lui aussi un cannabinoïde synthétique dérivé du CBD. Il agirait plus rapidement que le CBD sur le système endocannabinoïde.
Le THCP ou tétrahydrocannabiphorol est un cannabinoïde naturellement présent dans le cannabis, mais découvert récemment. Il se distingue du THC par sa chaîne latérale alkyle plus longue, ce qui pourrait rendre ses effets jusqu'à 30 fois plus puissants que ceux induits par le THC.
Quant au HHCPO ou acétate hexahydrocannabiphoro-O, un cannabinoïde synthétique dérivé du CBD, il présente une structure modifiée qui pourrait lui conférer des propriétés psychotropes supérieures à celles du THC.
Quelques demandes de brevet, notamment des demandes internationales (PCT) déposées récemment, envisagent de protéger ces dérivés, leurs méthodes de production et leurs utilisations.
Ces demandes pourront donner lieu, le cas échéant, à la délivrance de brevets européens. En effet, selon l’Article 53(a) de la Convention sur le Brevet Européen (CBE), la brevetabilité d’un produit est indépendante du fait que son exploitation est interdite dans un ou plusieurs États contractants de la CBE. C’est aussi le cas dans les autres pays occidentaux : aux Etats-Unis, Canada ou Australie, la brevetabilité d’un produit ne dépend pas de la légalité de son exploitation. La situation est différente en Chine, où seules les utilisations thérapeutiques des cannabinoïdes peuvent être protégées par brevet, dans la mesure où leur usage récréatif est interdit.
Il ne fait aucun doute que les chercheurs et industriels mettront au point, dans un très proche avenir, de nouveaux composés cannabinoïdes synthétiques avec des activités biologiques encore plus puissantes et/ou plus rapides. La légalisation ou l’interdiction de ces différents composés évolue également très vite dans de nombreux pays et tous ne protègent pas ce genre de composés de la même façon. Nous nous adaptons pour intégrer ces changements dans nos pratiques, afin d’accompagner au mieux nos clients et ainsi optimiser la protection de leurs innovations dans ce domaine.
Nous restons également à l’écoute en réactualisant régulièrement nos veilles technologiques ; stay tuned !
Vos Conseils et le département Veille Stratégique de Regimbeau sont à votre disposition pour vous apporter les éléments d’informations nécessaires à une prise de décision stratégique (par exemple pour des recherches d’antériorité, des études de liberté d’exploitation, des panoramas de technologies) et vous permettre d’apprécier et d’anticiper les évolutions futures, et ainsi saisir des opportunités de marché.
Publié par
Lucile Vernoux, Ph.D
Conseil en Propriété Industrielle Mandataire en Brevets Européens
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