Cannabis et brevet ? Zoom sur les tendances actuelles

S’il y a un endroit où il est facile de trouver du cannabis…. C’est dans nos messageries ; il ne se passe en effet pas une semaine sans que nous ne recevions des informations médicales et règlementaires, des alertes en tous genres, etc. sur le cannabis et ses dérivés. Mais de quoi parle-t-on exactement et où en est la protection par brevet ?

Paris, le 17 mai 2021 S’il y a un endroit où il est facile de trouver du cannabis…. C’est dans nos messageries ; il ne se passe en effet pas une semaine sans que nous ne recevions des informations médicales et règlementaires, des alertes en tous genres, etc. sur le cannabis et ses dérivés. Mais de quoi parle-t-on exactement et où en est la protection par brevet ?

Du côté des produits : les plantes des espèces Cannabis produisent des composés dénommés cannabinoïdes. Parmi ces composés, le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) est connu pour ses propriétés psychoactives puissantes. Le cannabidiol (CBD) est également d’intérêt car il présente des effets relaxants et soulage l’anxiété, sans avoir les effets psychotropes du THC.

Du côté de la législation : en France et en Europe, l’on peut noter plusieurs évolutions législatives récentes relatives au statut des cannabinoïdes :

  • Publié en date du 7 octobre 2020, le décret français N°2020-1230 autorise l’expérimentation de l’usage médical des cannabinoïdes en France ;
  • Le 19 novembre 2020, la Cour de Justice Européenne a jugé que le CBD n’est pas un produit narcotique au sens de la Convention des Nations Unies de 1961 ;
  • Le 2 décembre 2020, la Commission des stupéfiants des Nations Unies a approuvé une reclassification du cannabis, qui jusqu’ici figurait dans l’annexe IV de la convention, qui regroupe toutes les drogues y compris les plus dangereuses.

Du côté des médicaments à base de cannabinoïdes : citons le Sativex (THC + CBD) destiné aux malades atteints de sclérose en plaques, et l’Epidyolex (CBD) pour le traitement de certaines formes d’épilepsie, commercialisés dans plusieurs pays et bénéficiant en France d’une Autorisation de Mise sur le Marché pour le Sativex, et d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation pour l’Epidyolex.

Au regard de l’engouement pour ces produits, de la recherche scientifique qui s’accélère mais également de la législation qui tend à assouplir très progressivement le cadre de l’utilisation de ces produits, où est la place des brevets ?

Tout d’abord, soulignons que, selon la Convention sur le Brevet Européen (CBE), les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ne sont pas brevetables.

Néanmoins, il est tout à fait possible d’obtenir un brevet en Europe pour des produits contenant des cannabinoïdes, leur procédé d’obtention ou encore les utilisations de ceux-ci, et ce bien que leur production ou consommation puisse être interdite dans certains états parties à la CBE (pour des raisons propres à chaque état).

Ensuite, le fait que les cannabinoïdes soient des substances d’origine naturelle ne les excluent pas non plus de la brevetabilité en Europe. En effet, pour être brevetable, une invention doit être nouvelle, impliquer une activité inventive et être applicable industriellement. Si une substance d’origine naturelle a été isolée ou modifiée, sa brevetabilité peut être reconnue en Europe.

De nombreuses demandes de brevet relatives au cannabis et à ses utilisations ont déjà été déposées dans le monde (environ 11 500 familles de brevets publiées à ce jour) y compris auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB).

Le diagramme ci-dessous montre l’évolution des publications de demandes de brevet relatives au cannabis, déposées dans le monde (en rose) ou déposées auprès de l’OEB (en rouge), et notamment, la nette augmentation de ces publications en 2019 et 2020 :

Parmi les 10 premiers déposants de demandes de brevet auprès de l’OEB, sur ces cinq dernières années, on note la présence de 3 sociétés Canadiennes, 2 Israéliennes, 2 Européennes, et 3 Américaines.

A l’exception de ABBVIE, HOFFMAN LA ROCHE et CALICO LIFE SCIENCES qui sont des compagnies pharmaceutiques développant de nombreux produits dont seulement certains à base de cannabis, et de YISSUM RESEARCH DEVELOPMENT qui est la cellule de valorisation de l’Université de Jérusalem, les principaux déposants sont des sociétés spécialisées dans les produits à base de cannabinoïdes.

La société britannique GW RESEARCH commercialise les médicaments Sativex et Epidyolex.

La société canadienne RADIENT TECHNOLOGY INNOVATIONS a développé des techniques innovantes d’extraction et de purification des cannabinoïdes naturels. Également basées au Canada, CANOPY GROWTH commercialise des produits comestibles, boissons, huiles et concentrés, pour un usage récréatif du cannabis et HEXO OPERATIONS distribue des produits à base de cannabinoïdes, à la fois pour des utilisations récréatives et médicinales.

En Israël, BUZZELET DEVELOPMENT & TECHNOLOGIES se consacre aux technologies de purification des cannabinoïdes.

Enfin, la société américaine APIRx PHARMACEUTICAL commercialise des cannabinoïdes naturels de grade GMP.

Bien que le domaine des médicaments reste le domaine majoritairement représenté, une part non négligeable des brevets relatifs au cannabis concernent des compléments alimentaires, et donc les usages récréatifs des cannabinoïdes.

Qu’en est-il des plantes de cannabis ? Il existe différentes variétés de Cannabis sativa, variantes par leur teneur en certains cannabinoïdes. Ces variétés végétales, non protégeables par brevet en Europe, peuvent néanmoins y être protégées par un titre de protection spécifique : le Certificat d’Obtention Végétale (COV).

Ce secteur en développement, déjà foisonnant, est amené à se complexifier dans les années à venir, et ce d’autant plus que la législation des pays occidentaux est en constante évolution. Nul doute que les « innovations cannabis » vont donc continuer leur progression déjà observée depuis 5 ans.

Les acteurs de ce secteur doivent donc s’assurer en permanence des droits et limites de leur activité, notamment pour tenir compte de la concurrence croissante, tout en sécurisant leurs actifs.

Notre département Veille Stratégique, en coordination avec nos Conseils, est à votre disposition pour vous apporter les éléments d’informations et une opinion motivée (recherches d’antériorité, études de liberté d’exploitation, panoramas de technologies) nécessaires à une prise de décision stratégique pour vous permettre de sécuriser efficacement votre activité, vos projets et vos titres tout en tenant compte d’un environnement concurrentiel particulièrement dynamique.

Publié par

Lucile Vernoux, Ph.D

Conseil en Propriété Industrielle
Mandataire en Brevets Européens

Isabelle Mary

Responsable du Département
Veille Stratégique