Suppression de l’exigence de représentation graphique de vos marques

Vous ne trouvez pas de marque disponible ? Soyez créatifs ! Tout signe devient enregistrable...En théorie ! Le 1er octobre 2017, sera applicable en droit européen l’une des dispositions de la réforme du système des marques européennes, à savoir la suppression de l’exigence de la représentation graphique d’une marque.

Le 1er octobre 2017, sera applicable en droit européen l’une des dispositions de la réforme du système des marques européennes, à savoir la suppression de l’exigence de la représentation graphique d’une marque.

Pourquoi ce Changement ?

L’exigence de la reproduction graphique d’une marque était jusqu’à présent une condition essentielle d’existence de la marque, afin d’assurer sa fonction fondamentale qui est de différencier l’origine des produits et des services.

Quoi de plus simple que de les distinguer par leur marquage visuel ? Mais face à la multiplication des marques déjà enregistrées, il est devenu pour toute entreprise de plus en plus difficile de trouver des signes traditionnels (mots, dessins, couleurs) disponibles. Leur service marketing ont alors exploré depuis plus de 20 ans de nouveaux territoires tels que les sons, les odeurs, les hologrammes pour identifier leur produit ou service.

L’art. 2 de la Directive 89/104/CEE avait ajouté dans la liste des signes capables de constituer une marque l’adverbe « notamment », ouvrant la porte à une évolution. Ainsi une marque décrite comme étant « l’odeur d’herbe fraîchement coupée » pour une balle de tennis a pu être enregistrée par l’OHMI le 11 février 1999, ce qui a tout aussitôt été fortement contesté et est d’ailleurs resté un cas unique au niveau de l’EUIPO.

Il était donc indispensable que la législation suive l’évolution du marché tout en entérinant la jurisprudence de la Cour Européenne. Celle-ci avait déjà fixé les critères nécessaires à l’adoption de marques de couleur et olfactives, notamment dans l’arrêt du TPICE T 305 /04 du 27/10/2005 Sieckmann.

Ainsi, l’enregistrement d’une odeur de fraise mûre représentée par l’image d’une fraise complétée d’une description avait été rejetée, en indiquant « que ces marques sont enregistrables dès lors qu’elles sont susceptibles d’une représentation graphique « claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».

La réforme du système européen par le Paquet Marques, et plus précisément la Directive 2015/2436 dans son art. 3 et du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil dans son art. 4 tels qu’adoptés par le Parlement européen le 16 décembre 2015 ont fait un pas de plus en supprimant l’exigence de représentation graphique des signes.

Son entrée en vigueur a été fixée au 1er octobre 2017 pour les marques européennes et passera par la transposition de la directive pour une application nationale, notamment en France.

Cette suppression facilitera ainsi l’enregistrement de nouvelles marques, mais ouvrira le champ à de nouvelles interrogations quant à leur portée et la possibilité de les défendre.

Conséquences pour le Dépôt de Signes non Conventionnels

A compter de cette date, les signes peuvent être représentés sous n’importe quelle forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible, pour autant que la représentation soit claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective.

L’article 3 du règlement d’exécution sur la marque de l’Union européenne (REMUE) énonce des règles et exigences spécifiques en matière de représentation de certains types de marque, y compris certaines exigences techniques, conformément à la nature et aux caractéristiques spécifiques de la marque en question. Un document établi par l’EUIPO répertorie ainsi les types de documents requis en fonction de la nature de la marque1.

Les Marques sans Représentation Graphique seront-elles pour autant Enregistrables ?

Comme toute marque, pour être enregistrable, celle-ci doit être avant tout distinctive et ne pas être constituée exclusivement par la forme ou par « une autre caractéristique » imposée par la nature même du produit … ou lui donnant une valeur substantielle. Cette référence a été ajoutée à l’art. 7(1)(e) RMUE pour permettre par exemple de refuser une marque olfactive pour des parfums, dont elle constituerait alors la caractéristique essentielle.

Conséquences sur la Recherche de Marque

Les registres et les outils de recherche dans les bases de données devront être adaptés pour permettre la recherche de tels signes. Des réflexions sont en cours avec l’EUIPO, et si toutes les recherches reposant sur un critère visuel (marques tridimensionnelles, de position, de mouvement, de multimédia, de relief, de couleur même) seront possibles, ceci n’est pas encore le cas pour les marques sonores et les marques olfactives.

Conséquences sur l’Appréciation de la Contrefaçon

Toute action en contrefaçon de marque suppose au minimum deux conditions :

  • Un signe antérieur valable et
  • Une atteinte à ce signe par reproduction à l’identique ou imitation.

En cas de litige fondé sur une marque sans représentation graphique, il est fort probable que l’adversaire répliquera en contestant d’une part la validité du signe et d’autre part la différence et l’absence de risque de confusion.

Le tribunal s’attachera alors à examiner si le signe a été représenté d’une manière « claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective ». Ainsi une formule chimique est-elle intelligible si l’on se place du point de vue du consommateur ? Un échantillon d’odeur est-il durable ?

Il devra ensuite trancher sur l’existence du risque de confusion. Les principes fondateurs posés par l’arrêt de la CJCE du 11 novembre 1997 Sabel/PUMA requièrent une appréciation faite « globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce. Cette appréciation globale doit… être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celle-ci ».

La reproduction ou l’imitation de marques olfactives n’est pas des plus simples à démontrer, même si les tribunaux français ont déjà traité ces questions en matière de droit d’auteur ou de tableaux comparatifs pour les contrefaçons de parfum. Les Etats-Unis qui ont admis l’enregistrement de ces marques avec une description détaillée, ont envisagé la réalisation de sondages pour déterminer la probabilité de l’existence du risque de confusion.

Il est à parier que les premières décisions seront fort attendues, et feront l’objet d’âpres débats aussi longtemps que la technologie n’aura pas permis d’identifier de manière scientifique la proximité de tels signes déposés sans représentation graphique.

En conclusion,

La possibilité d’enregistrer une marque sans représentation graphique constitue une avancée juridique et un atout marketing important pour les entreprises et la portée de telles marques s’élaborera au fur et à mesure des évolutions technologiques et jurisprudentielles. Donc consultez nous sur toutes les créations de vos entreprises, qu’elles qu’elles soient !

1 https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/elimination-of-graphical-representation-requirement