La « règle des 10 jours », bien connue de tous ceux qui suivent des procédures devant l’OEB, va bientôt disparaître

Le 13 octobre dernier, le Conseil d’Administration de l’office européen des brevets (OEB) a adopté, parmi d’autres modifications des règles de la CBE, la modification de la règle 126 CBE, ayant pour conséquence l’abrogation de la règle dite « règle des 10 jours ».

La règle 126 CBE actuelle énonce, à ses deux premiers alinéas :

            (1) Toutes les significations par un service postal sont faites par lettre recommandée.

            (2) Lorsque la signification est faite conformément au paragraphe 1, la lettre est réputée remise à son destinataire le dixième jour après sa remise au prestataire de services postaux, à moins qu’elle ne lui soit pas parvenue ou ne lui soit parvenue qu’à une date ultérieure ; en cas de contestation, il incombe à l’Office européen des brevets d’établir que la lettre est parvenue à destination ou d’établir, le cas échéant, la date de sa remise au destinataire.

Cette règle crée une fiction juridique qui reporte de 10 jours la date à laquelle les significations de l’OEB sont réputées reçues par leur destinataire. Le point de départ des délais dits « impartis », qui commencent à courir à compter de cette réception est décalé en conséquence. Les utilisateurs du système de brevets de l’OEB ont l’habitude de cette règle, et beaucoup d’entre eux ont pris l’habitude de l’utiliser en bénéficiant du temps « additionnel » fourni par cette règle pour répondre à des communications de l’OEB.

Cette règle sera abrogée à compter du 1e novembre 2023. Les courriers envoyés par l’OEB aux déposants et à leurs mandataires seront dès lors réputés signifiés – et donc reçus – à la date qu’ils portent, et les délais associés à ces courriers seront plus courts.

En cas de contestation par le destinataire quant à la date réelle de réception d’un tel courrier – c’est-à-dire lorsque le destinataire affirme avoir reçu le courrier à une date différente de celle qu’il porte – la charge de prouver cette date incombera toujours à l’OEB.

En effet, cette date effective de réception revêtira une importance particulière : une nouvelle fiction juridique moins avantageuse pour les déposants entrera en vigueur, selon laquelle lorsqu’un courrier émis par l’OEB met plus de 7 jours à être acheminé, les délais courant à compter de sa réception seront prorogés du nombre de jours d’acheminement moins sept. Contrairement à la règle des 10 jours, qui décale le point de départ des délais concernés, cette nouvelle règle reporte la date d’échéance de ces délais. Certains interlocuteurs de l’OEB sont déjà familiers d’une telle règle, qui existe dans le cadre des demandes internationales au sens du PCT (règle 80.6 PCT).

En d’autres termes, le point de départ du délai concerné sera systématiquement la date figurant sur la notification, et les trois cas suivants pourront s’appliquer :

  1. Lorsque la date effective de réception de la notification par son destinataire sera bien la date figurant sur celle-ci – ce qui devrait être quasi-systématique pour les notifications faites par voie électronique – le délai associé ne fera l’objet d’aucun report.
  2. Lorsque la date effective de réception sera ultérieure à la date figurant sur la notification de 7 jours ou moins, le délai associé ne fera pas non plus l’objet d’un report. Le destinataire aura donc, en pratique, quelques jours de moins pour répondre à la notification que la durée du délai légal.
  3. Lorsque la date effective de réception sera ultérieure à la date figurant sur la notification de plus de 7 jours, le délai associé fera l’objet d’un report qui décalera l’échéance du délai. Pour calculer ce report, on calculera la différence entre la date effective de réception et la date figurant sur la notification. Puis, on retranchera 7 jours à cette différence.


Prenons un exemple concret : l’OEB émet, le 8 novembre 2023, une notification selon l’article 94(3) CBE et impartit au demandeur un délai de quatre mois pour répondre.

1. Si le demandeur reçoit effectivement cette communication le 8 novembre 2023, le délai n’est pas prorogé et le demandeur sera tenu de fournir une réponse au plus tard le 8 mars 2024.


2. Si le demandeur reçoit cette communication le 13 novembre 2023, cinq jours seulement ont été nécessaires à l’acheminement du courrier. Le délai n’est pas prorogé, et le demandeur sera également tenu de fournir une réponse au plus tard le 8 mars 2024. Il aura donc cinq jours de moins que le délai légal pour fournir une réponse.


3. En revanche, si le demandeur reçoit cette communication le 20 novembre 2023, douze jours ont été nécessaires à son acheminement, de sorte que le délai est prorogé de 12-7 = 5 jours. Le délai est donc prorogé au 13 mars 2024. Si l’OEB souhaite contester que plus de 7 jours se sont écoulés entre la date réelle de réception et la date figurant sur la notification, la charge de la preuve lui incombera. Le destinataire aura sept jours de moins pour répondre à la notification que le délai prévu.


Rappelons que la raison d’être de la règle des 10 jours, qui avait été introduite dans le règlement d’exécution de la CBE à une époque où les significations étaient systématiquement faites par courrier, était de permettre aux déposants basés dans des états membres éloignés des bureaux de l’OEB et donc où le courrier pouvait prendre plusieurs jours voire plusieurs semaines pour être acheminé, de pouvoir répondre aux significations de l’Office dans des délais raisonnablement longs.

L’OEB a cependant manifesté sa volonté de favoriser la transition numérique de la procédure de délivrance des brevets européens. En effet, l’Office souhaite privilégier l’envoi électronique de documents permettant leur acheminement le jour même, plutôt que le format papier. À l’heure actuelle, la grande majorité des communications émanant de l’OEB se fait déjà par voie électronique, bien que l’envoi de notifications par voie postale subsiste, par exemple pour les destinataires n’ayant pas demandé l’accès aux outils électroniques permettant de communiquer avec l’office (Mailbox, MyEPO Portfolio…).

Un avantage de ce changement de règle est de faciliter le calcul des délais, notamment pour les déposants et professionnels de la propriété intellectuelle basés en dehors d’Europe, et donc moins familiers de cette règle que leurs homologues européens.

Publié par

Alexandre Metzger

Ingénieur Brevets

À retenir

Afin d’assurer le respect des délais imposés par l’OEB, il sera nécessaire, pour les utilisateurs du système de brevets européen, de tenir compte de ce changement de règle, notamment pour fournir des instructions à leurs représentants européens. En un mot, il ne faudra plus compter sur la règle des 10 jours, et il faudra avoir anticipé ce changement dans les instructions que vous envoyez à votre mandataire en brevets européens. Les équipes de Regimbeau se tiennent à votre disposition pour tout complément d’information quant à ce changement de règle.