Déclarer les Ressources Génétiques à l’INPI : qui, quand et pourquoi ?

Le 24 juillet 2017, l’INPI publiait sa décision n°2017-105 relative aux « Modalités de transmission des déclarations des utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées en application du protocole de Nagoya ». Six ans après cette publication, un bilan s’impose. Qui cela concerne-t-il ? Quand doit-on fournir cette déclaration ? Sous quelles conditions ?

Il ressort de l’article L. 412-18 du Code de l’environnement, issu de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, que les utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées doivent adresser au Ministère chargé de l’environnement (aujourd’hui appelé « Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ») les informations prévues à l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du 16 avril 2014. Ces informations doivent être transmises soit lors de la réception d’un financement pour les travaux de recherche impliquant ces ressources et connaissances, soit lors du développement final d’un produit élaboré en les utilisant.

Cet article L. 412-18 indique également que « Lorsque cette utilisation conduit à une demande de brevet, les informations [prévues à l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du 16 avril 2014] sont adressées à l’Institut National de la Propriété Industrielle [INPI] à la seule initiative du déclarant ». Ainsi, la loi française impose à l’INPI d’être un relai, auprès de l’autorité compétente en France, des informations requises par l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014.

Par sa décision n°2017-105 du 24 juillet 2017, le Directeur de l’INPI a précisé que, pour respecter ces dispositions, le formulaire figurant en annexe III du règlement d’exécution (UE) n°2015/1866 doit être rempli et envoyé à l’INPI par voie électronique à l’adresse nagoya@inpi.fr. Un récépissé est alors délivré au déclarant (Article 7 de la Décision).

Les informations à indiquer sur ce formulaire sont relatives à la diligence nécessaire que doit exercer tout utilisateur de ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées tombant sous le joug d’une loi « APA » nationale[1]. Cette « diligence nécessaire » s’établit par le fait soit que l’utilisateur a demandé et reçu un certificat de conformité couvrant l’accès à la ressource / connaissance (point 4a du formulaire), soit qu’il a reçu le consentement préalable d’une autorité compétente en la matière (i.e., l’autorité compétente du pays dont est originaire la ressource / connaissance ; point 4b du formulaire).

A réception du formulaire, l’INPI vérifie uniquement de manière formelle que les informations sont complètes et lisibles pour pouvoir, le cas échéant, les transmettre au Ministère chargé de l’environnement. Dans le cas contraire, il signifie au déclarant qu’il y a des erreurs et qu’il lui est impossible de traiter ou d’effectuer cette transmission (Articles 5 et 8 de la Décision).

Ainsi, l’INPI n’étudie pas le fond des informations transmises, et cette démarche administrative n’a d’incidence ni sur la date de dépôt et l’examen des demandes de brevet déposées par le déclarant ni sur la délivrance des brevets correspondants (Article L.412-18 du Code de l’environnement et Article 6 de la Décision). D’ailleurs, le déclarant ne doit aucunement faire référence à une quelconque demande de brevet dans le formulaire (Article 3 de la Décision).

En d’autres termes, le formulaire requis est uniquement à destination du Ministère chargé de l’environnement et il n’entre pas en ligne de compte pour apprécier la brevetabilité des inventions portant sur (ou utilisant) les ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées en question.

6 ans après la publication de la Décision de l’INPI, nous répondons ici à des questions que vous vous posez peut-être :

Doit-on fournir le formulaire si la ressource n’est pas d’origine française ?

Le règlement (UE) n°511/2014 du 16 avril 2014 vise à contrôler que les utilisateurs d’une ressource génétique et d’une connaissance traditionnelle associée sur le territoire de l’Union respectent bien les conditions de la loi « APA » du pays d’où est originaire la ressource / la connaissance, et ce, quel que soit ce pays, sous réserve qu’il soit partie au Protocole de Nagoya.  

Dans la mesure où l’article L-412-18 du Code de l’Environnement se réfère explicitement à ce règlement, et qu’il impose de fournir à l’INPI les informations demandées sur l’Annexe III suscitée, il convient de remplir et transmettre le formulaire en question dès lors que la ressource génétique / la connaissance traditionnelle associée :

  1. a été utilisée sur un territoire de l’Union Européenne, et
  2. a été prélevée après le 12 octobre 2014 dans un pays de l’Union Européenne qui est partie au Protocole de Nagoya et a une loi APA couvrant ladite ressource (ce pays n’étant pas nécessairement la France).

Ainsi, la France étant partie au Protocole de Nagoya et ayant une loi APA (la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages), le formulaire devra être fourni à l’INPI lorsqu’une ressource couverte par ladite loi a été prélevée sur le territoire français à une date postérieure au 12 octobre 2014, et a été utilisée dans l’Union Européenne (par exemple en France).

Si la ressource utilisée en France n’est pas d’origine française, alors il conviendra de fournir le formulaire à l’INPI si le pays où elle a été prélevée est un pays de l’Union Européenne, partie au Protocole de Nagoya et disposant d’une loi APA couvrant ladite ressource[2].

A contrario, le formulaire n’est pas à fournir à l’INPI lorsque la ressource / la connaissance a été obtenue avant le 12 octobre 2014 ou qu’elle provient d’un pays de l’Union qui n’est pas partie au Protocole de Nagoya ou qui n’a pas de loi « APA » (par exemple l’Allemagne).

Seuls les déposants de brevet doivent-ils fournir cette déclaration ?

Pour répondre à cette question, la Décision de l’INPI n’est d’aucun secours, puisqu’elle ne parle que d’« utilisateur de RG » et de « déclarant », sans préciser s’il s’agit d’un « déposant de brevet ».

L’article L-412-18 du Code de l’Environnement précise quant à lui que la déclaration doit être fournie à l’INPI « lorsque cette utilisation conduit à une demande de brevet ».

Nous comprenons donc que l’INPI n’a vocation à recevoir les formulaires requis que si le développement du produit élaboré à partir de ressources génétiques ou connaissances traditionnelles associées conduit, a conduit ou conduira au dépôt d’une demande de brevet. Ainsi, une première condition semble être que seuls les « déposants de brevet » passés ou futurs peuvent / doivent effectuer cette démarche[3].

Ces derniers peuvent alors cocher la case 3b) (« Notification requise avant la première mise sur le marché de l’Union faite pour un produit élaboré grâce à l’utilisation de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques »).

Une deuxième condition réside dans le fait que la ressource génétique / connaissance traditionnelle associée impliquée dans l’invention doit avoir été déclarée à une autorité compétente (l’autorité du pays dont est originaire la ressource / connaissance) qui aura ainsi fourni un permis d’accès ou un consentement préalable en connaissance de cause. Si tel n’est pas le cas, il ne sera pas possible de remplir toutes les cases du formulaire prescrit.

Dès lors, deux situations se présentent :

  • soit l’utilisateur / déposant de brevet a déjà effectué, auprès d’une autorité compétente (du pays dont est originaire la ressource / connaissance), les démarches prescrites par ailleurs (pour la France, voir notre article de 2018 à ce sujet), et sa diligence peut être prouvée. Le formulaire figurant en annexe III du règlement d’exécution (UE) n°2015/1866 pourra donc être rempli et envoyé à l’INPI comme demandé par l’article L-412-18 du Code de l’Environnement ;
  • Soit l’utilisateur / déposant de brevet n’a pas encore initié de démarche pour déclarer / faire approuver cette exploitation de la ressource / connaissance. Dans ce cas, il doit contacter le plus rapidement possible l’autorité compétente concernée (du pays dont est originaire la ressource / connaissance ; pour la France, voir notre article de 2018 à ce sujet décrivant les modalités de l’arrêté du 8 novembre 2017, et les exigences de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016). Une fois la démarche achevée, le formulaire figurant en annexe III du règlement d’exécution (UE) n°2015/1866 pourra être rempli et envoyé à l’INPI.



Quand doit-on fournir cette déclaration ?

Pour répondre à cette question, la Décision de l’INPI ne nous aide pas, puisqu’elle ne parle ni de « dépôt de demande », ni de délai pour transmettre les informations. Elle n’indique pas, notamment, s’il faut transmettre le formulaire avant le dépôt ou le jour du dépôt (par exemple, avec les pièces de la demande de brevet) ou encore pendant l’examen de la demande, avant l’expiration du brevet, etc.

L’article L-412-18 du Code de l’Environnement n’est pas plus précis, puisqu’il impose uniquement de fournir les informations « lorsque cette utilisation conduit à une demande de brevet », et donc potentiellement avant ou après que la demande a été déposée.

Lorsque l’annexe III du règlement d’exécution (UE) n°2015/1866 est en mesure d’être entièrement complétée, nous conseillons de la transmettre à l’INPI en même temps que les autres pièces de la demande, c’est-à-dire lors du dépôt.

Dans le cas contraire, le formulaire devra être fourni dès que possible après acquisition des éléments validant la démarche d’APA par l’autorité compétente du pays d’origine de la ressource / connaissance.

Doit-on transmettre le formulaire à l’INPI si la demande envisagée / déposée est une demande européenne ou une demande internationale (PCT) ?

La décision n°2017-105 de l’INPI n’indique pas si la transmission du formulaire doit être envisagée pour tous les déposants, ou seulement pour les déposants de demandes de brevet français. 

L’article L-412-18 du Code de l’Environnement n’est pas plus précis, puisqu’il impose uniquement de fournir les informations « lorsque cette utilisation conduit à une demande de brevet », et donc potentiellement avant ou après que la demande a été déposée, que ce soit en France ou ailleurs.

Cependant, d’après les informations dont nous disposons, il semble que le dispositif établi par L.412-18 du Code de l’Environnement ne s’applique en fait qu’aux demandes de brevet déposées auprès de l’INPI, et pas à celles déposées directement auprès d’autres Offices (y compris à l’OEB ou à l’OMPI lorsque la France fait partie des Etats désignés).

L’annexe III du règlement d’exécution (UE) n°2015/1866 ne serait donc à transmettre à l’INPI que si vous avez déposé – ou envisagez de déposer – une demande de brevet français ou une demande de brevet européen ou une demande PCT auprès de l’INPI.

***

En tout état de cause, la protection d’une invention par brevet étant souvent précurseur d’une exploitation commerciale, nous recommandons de vérifier à l’occasion de la préparation d’un dépôt que la ressource ou la connaissance traditionnelle associée utilisée est (ou non) couverte par une loi « APA ». Le cas échéant, Il faudra s’assurer qu’elle a bien été déclarée à – ou autorisée par – l’autorité compétente du pays dont elle est originaire (et que les éléments de preuve ont bien été reçus).

Dans le cas où aucune des démarches qui s’avèrent nécessaires n’a encore été entreprise en ce sens, il convient de contacter directement l’autorité compétente du pays dont est originaire la ressource / connaissance, pour recevoir les documents démontrant la conformité du projet envers la loi « APA » locale, eux-seuls faisant foi en cas de contrôle de la diligence nécessaire requise en Europe et en particulier en France.

Pour respecter toutes les dispositions mises en place par la loi française 2016-1087 du 8 août 2016, vous pourrez ensuite fournir à l’INPI, par exemple lors du dépôt de la demande de brevet, la déclaration établissant votre bon exercice de la diligence nécessaire requise.

Sachez qu’aucune sanction n’est prévue en cas de non-transmission de ces informations à l’INPI. Cependant, le non-respect des dispositions prévues par la loi 2016-1087 du 8 août 2016 peut entrainer, en cas de contrôle, de lourdes peines (cf. les sanctions énoncées dans l’article L-415-3-1 du Code de l’Environnement) !

N’hésitez pas à nous contacter pour toute question au sujet de ces dispositions !




[1] i.e. une loi qui régit les conditions d’Accès et de Partage des Avantages dans un pays partie au Protocole de Nagoya

[2] Nous pouvons vous aider à vérifier ces critères, si vous le souhaitez. 

[3] Dans la mesure où les formulaires ne contiennent aucune information à ce sujet, il est difficile de savoir comment cela peut être contrôlé.

Publié par

Gabrielle Faure-André, Ph.D

Publié par

Gabrielle Faure-André, Ph.D

Prendre un rendez-vous