2016… Dernière ligne droite avant l’entrée en vigueur du Brevet Unitaire et de la Juridiction Unifiée du Brevet

Les textes de base définissant le Brevet Unitaire et la Juridiction Unifiée en matière de Brevets permettaient de dégager certains principes généraux pour ces futurs systèmes. Pendant 2 ans, le Comité Préparatoire de la JUB a travaillé sans relâche pour rédiger les règlements venant détailler l’application de ces nouveaux systèmes, lesquels règlements devraient être définitivement adoptés dans les prochains mois.

Pour mémoire, le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne ont adopté respectivement les 11 et 17 décembre 2012 deux Règlements N°1257/2012 et N°1260/2012 relatifs à la création du brevet européen à effet unitaire (BU) et au régime de traduction de ce brevet à effet unitaire.

Dans la foulée, le 19 février 2013, 25 Etats ont signé un Accord International destiné à la mise en place d’une Juridiction Unifiée en matière de Brevets1.

Depuis, le processus de ratification de cet Accord a bien avancé puisque la Finlande est devenue – le 19 janvier 2016 – le 9ème Etat ayant procédé à cette ratification, après l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, le Luxembourg, Malte, la Suède et le Portugal. L’Accord entrera en vigueur après ratification par treize Etats, dont la France, l’Allemagne et le Royaume Uni.

Les textes de base définissant le Brevet Unitaire et la Juridiction Unifiée en matière de Brevets permettaient de dégager certains principes généraux pour ces futurs systèmes. Pendant 2 ans, le Comité Préparatoire de la JUB a travaillé sans relâche pour rédiger les règlements venant détailler l’application de ces nouveaux systèmes, lesquels règlements devraient être définitivement adoptés dans les prochains mois.

Qu’est-ce qu’un « Brevet Unitaire » ?

Un Brevet Unitaire est un brevet européen délivré par l’Office Européen des Brevets, selon la procédure définie par la Convention sur le Brevet Européen (CBE) classique2, pour lequel le titulaire présentera une requête spécifique d’effet unitaire, auprès de l’OEB, dans le délai d’un mois à compter de la date de publication de la mention de délivrance3.

Quelles seront les conditions pour obtenir un Brevet Unitaire ?

L’obtention d’un Brevet Unitaire suppose la délivrance d’un brevet européen avec un jeu de revendications identique pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne adhérents4 à la coopération renforcée.

Quels seront les principaux effets et avantages d’un Brevet unitaire ?

Alors que l’actuel brevet européen délivré par l’Office Européen des Brevets, éclate après sa délivrance en un faisceau de titres nationaux soumis à des régimes divers de lois et procédures nationales, le brevet européen à effet unitaire produira des effets identiques sur l’ensemble des territoires des Etats de l’Union participant à la coopération renforcée5. Le corollaire sera évidemment qu’un tel Brevet Unitaire s’il est annulé, le sera pour l’ensemble des pays adhérents.

Un cumul sera-t-il possible entre un Brevet Européen et un Brevet Unitaire ?

Pas pour un même pays. Une fois l’effet unitaire enregistré, le brevet européen de base cessera ses effets pour les pays couverts par le Brevet Unitaire. En revanche pour des raisons stratégiques, l’on peut envisager de disposer, notamment par le jeu de demande(s) divisionnaire(s), de brevets européens ayant des revendications différentes pour certains Etats ou de demande(s) nationale(s), de titres parallèles ayant des portées légèrement différentes permettant de cumuler Brevet Unitaire et titre d’application nationale.

Quid si le brevet européen délivré ne possède pas des revendications identiques pour tous les Etats adhérents au système de Brevet Unitaire ?

Dans le cas de jeux de revendications différents pour certains Etats adhérents au système de Brevet Unitaire, notamment en cas de droits nationaux antérieurs, un Brevet Unitaire ne pourra être demandé et la voie classique de validations nationales des pays désignés sera obligatoire.

Quid des taxes de maintien en vigueur pour le Brevet Unitaire ?

Une taxe annuelle unique de maintien en vigueur devra être réglée à l’OEB pour assurer le maintien en vigueur d’un Brevet Unitaire. Selon le projet de règlement relatif aux taxes sur le Brevet Unitaire adoptant la proposition « True Top 4 », le montant de cette taxe annuelle devrait correspondre à la somme totale des taxes annuelles qui sont actuellement acquittées pour les quatre pays dans lesquels les brevets européens sont le plus souvent validés (à savoir l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas).

Ainsi, selon une telle proposition, l’on pourrait considérer qu’un Brevet Unitaire serait particulièrement intéressant pour les déposants opérant habituellement la validation de leurs brevets européens dans un nombre minimal de 4 pays.

Quel sera l’impact du Brevet Unitaire sur les pays adhérents à la CBE qui ne font pas partie de l’Union Européenne ou qui n’auront pas ratifié l’Accord sur la Juridiction Unifiée du Brevet ?

Le Brevet Unitaire n’aura aucun impact sur ces pays6 qui ne participent pas à la coopération renforcée, pour lesquels les validations après délivrance et paiement de taxes nationales de maintien en vigueur devront être opérés selon les modalités actuelles.

Par ailleurs, même après l’entrée en vigueur du système de Brevet Unitaire, il faudra continuer à valider et maintenir en vigueur les parties nationales d’un Brevet Européen dans les Etats ayant exprimé leur intention de participer à la coopération renforcée, mais n’ayant pas encore ratifié l’Accord sur la Juridiction Unifiée du Brevet.

Quelle sera la date d’entrée en vigueur de ces nouveaux systèmes ?

La mise en application des textes sur le Brevet Unitaire sera synchronisée avec la date d’entrée en vigueur de l’Accord international sur la Juridiction Unifiée du Brevet, qui correspondra au premier jour du 4ème mois suivant le dépôt du 13ème instrument de ratification ou d’adhésion (sachant que l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni doivent faire partie de ces 13 Etats).

A ce jour il ne reste plus que quatre ratifications, dont celles de l’Allemagne et du Royaume-Uni, à venir, pour que l’Accord entre en vigueur. Le gouvernement du Royaume-Uni a publié un projet de loi pour modifier le « UK Patents Act » permettant l’application du Brevet Unitaire et de la Juridiction Unifiée du Brevet. Une fois approuvée par le Parlement, cette loi devrait permettre la ratification du Royaume Uni au printemps 2016.

L’entrée en vigueur de l’Accord qui permettra de saisir la Juridiction Unifiée du Brevet – et donc également de requérir l’effet unitaire pour un Brevet Européen – est pronostiquée pour le 1er février 2017.

Quelles seront les principales règles en matière de traduction pour le Brevet Unitaire ?

Pendant une période transitoire d’au moins 6 ans et au plus de 12 ans, le titulaire devra fournir une traduction complète du brevet européen a) en anglais si la langue de la procédure OEB est le français ou l’allemand ou b) dans l’une quelconque des langues officielles de l’un des pays de l’Union Européenne membre de la coopération renforcée si la langue de la procédure OEB est l’anglais. Cette traduction sera obligatoire pour obtenir l’effet unitaire du brevet, cependant elle n’aura pas de valeur juridique.

A l’issue de la période transitoire précitée, l’OEB prendra le relais par la fourniture d’une traduction automatique.

Par ailleurs il est prévu que en cas de litige, le titulaire pourra être tenu selon les circonstances de fournir une traduction complète du brevet dans une langue officielle du pays de la contrefaçon, du siège du présumé contrefacteur ou encore de procédure du Tribunal.

Quelles seront les compétences de la Juridiction Unifiée du Brevet ?

La mise en place de la Juridiction Unifiée du Brevet7 a notamment pour objectif de mettre fin à des décisions divergentes d’un territoire à l’autre, sur un même brevet européen.

La Juridiction Unifiée aura compétence exclusive en matière de brevets européens à effet unitaire. Elle aura également compétence, dès son entrée en vigueur, pour les brevets européens classiques.

Cependant pendant une période transitoire de 7 ans comptée à partir de l’entrée en vigueur de l’Accord International, des actions en contrefaçon ou en nullité de brevets européens pourront au choix encore être portées devant les juridictions nationales compétentes, la Juridiction Unifiée obtenant également compétence exclusive en matière de brevets européens à l’issue de cette période transitoire.

Il est à noter que pendant cette période transitoire, le demandeur ou breveté peut déroger à la compétence exclusive de la Juridiction Unifiée du Brevet pour sa demande de brevet ou son brevet européen en faisant une demande d’« opt-out ».

1 Les 25 pays suivants ont signé l’Accord sur le Tribunal Unifié : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.
2 Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973 telle que révisée par l’acte portant révision de l’article 63 de la CBE du 17 décembre 1991 et l’acte portant révision de la CBE du 29 novembre 2000.
3 Un système ouvert : Tout propriétaire d’un brevet européen, qu’il soit national ou résident d’un pays de l’Union Européenne ou de tout autre pays, pourra demander un Brevet Unitaire.
4 En janvier 2016, seules l’Espagne et la Croatie ne font toujours pas partie de la coopération renforcée adoptant le Brevet Unitaire. Le Brevet Unitaire devait donc s’appliquer aux 26 pays suivants de l’Union Européenne, dès lors que ces Etats auraient ratifié l’Accord sur le Tribunal Unifié : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède. Cependant le Brevet Unitaire ne devrait pas s’appliquer à la Pologne, cette dernière n’ayant pour l’instant toujours pas signé l’Accord sur Juridiction Unifiée du Brevet.
5 Soit en l’état de la configuration de l’Union Européenne au 1er janvier 2016 (28 Etats) et de la réserve de l’Espagne, de la Croatie et de la Pologne, les 25 Etats mentionnés dans la note 4 ci-dessus, dès lors que ces 25 Etats auront ratifié l’Accord sur lla Juridiction Unifiée du Brevet. Cependant Il est possible que les premiers brevets à effet unitaire aient une couverture géographique plus restreinte si les 25 Etats précités n’ont pas ratifié lors de l’entrée en vigueur.
6 14 Etats concernés actuellement : En sus de l’Espagne, la Croatie et la Pologne : Albanie, Croatie, Ex République de Macédoine, Islande, Monaco, Norvège, Saint Marin, Serbie, Suisse/Lichtenstein et Turquie.
7 La Juridiction Unifiée devrait comporter une première instance et une instance d’Appel, sans autre degré de juridiction pour éviter un allongement de procédures. La première instance décentralisée devrait comprendre, outre une Division Centrale qui aura son siège à Paris, des Divisions locales et régionales.

Publié par

Sylvain Thivillier

Associé
Responsable du bureau de Munich