Lois de la nature et idées abstraites : nouvelle tentative de clarification par l’Office Américain des Brevets

L’office Américain des brevets (USPTO) vient d’émettre de nouvelles instructions, à l’attention des Examinateurs Américains, pour améliorer encore l’application de 35 U.S.C.§101, l’article de la loi américaine sur les brevets qui permet de rejeter une invention relative à une loi de la nature ou une idée abstraite.

L’office Américain des brevets (USPTO) vient d’émettre de nouvelles instructions, à l’attention des Examinateurs Américains, pour améliorer encore l’application de 35 U.S.C.§101, l’article de la loi américaine sur les brevets qui permet de rejeter une invention relative à une loi de la nature ou une idée abstraite.

L’USPTO n’en finit plus de préciser comment les inventions concernées doivent être examinées, tant les limites de la brevetabilité sont floues, les rejets prononcés par les examinateurs américains pas toujours convaincants et donc les déposants souvent mécontents.

Les précisions en question se succèdent depuis le 13 juin 2013, date à laquelle la Cour Suprême des Etats-Unis a considéré que les acides nucléiques isolés étaient des produits de la nature et par conséquent n’étaient pas brevetables au titre de 35 U.S.C.§101 (Myriad).

Le même jour, l’USPTO a émis un Memorandum à l’attention des Examinateurs Américains leur demandant de rejeter toute revendication relative à un acide nucléique naturel ou non, ou fragment de celui-ci, isolé ou non.

Ce Memorandum a rapidement été suivi, en mars 2014, d’un Guidance Memorandum élargissant les instructions aux Examinateurs Américains, à tout type d’invention, tous domaines techniques confondus. Il y est exposé la méthode à suivre par les Examinateurs pour déterminer ce qui peut rendre une invention « significativement différente » d’une loi de la nature ou d’une idée abstraite et donc la considérer comme potentiellement brevetable (« eligible »). Les Examinateurs sont ainsi invités à sélectionner des facteurs pré-définis, «  pour » ou « au détriment » de l’éligibilité de l’invention, à en faire une synthèse de façon à conclure à l’éligibilité de l’invention… ou non.

En juin 2014, c’est une autre décision de la Cour Suprême des Etats-Unis qui donne lieu à des Preliminary Examination Instructions, orientées cette fois vers l’analyse de revendications comprenant une idée abstraite (Alice Corp).

En fait quand une invention comprend une loi de la nature ou un produit présent dans la nature ou encore une idée abstraite, la question est de savoir si l’invention revendiquée comprend des éléments additionnels conférant à l’invention « significativement plus » que ces objets, non brevetables en tant que tels. Ce fut l’objet de Interim Eligibility Guidance Quick Reference Sheet émis par l’USPTO en décembre 2014, qui met à disposition des Examinateurs Américains une sorte d’arbre de décisions supposé les aider dans leur analyse du caractère potentiellement brevetable d’une invention.

Il n’y est plus question des facteurs de mars 2014… Pour illustrer cette nouvelle démarche, ce Guidance est accompagné de nombreux exemples, d’une part relatifs aux « produits  de la nature », et d’autre part relatifs aux idées abstraites.

Mais tout cet arsenal d’instructions illustrées de nombreux exemples ne semblent toujours pas satisfaisant, notamment pour les associations professionnelles américaines, à en croire les soixante commentaires parvenus à l’USPTO qui avait invité le public à s’exprimer sur ces récentes pratiques.

L’USPTO a répondu à ces commentaires en juillet 2015, en émettant une mise à jour du document de décembre 2014 : Update : Subject Matter Eligibility.

L’USPTO y précise ou explique en quelques lignes sa position concernant les six thèmes majeurs identifiés dans les commentaires reçus. Cette mise à jour est notamment accompagnée de nouveaux exemples et a ouvert une nouvelle période de consultation publique.

Le 4 mai 2016, un nouveau Memorandum est émis par l’USPTO, annonçant clairement une volonté d’assister les Examinateurs Américains dans l’application des instructions de décembre 2014 et de juillet 2015 selon deux axes : (i) aider les Examinateurs à formuler et justifier un rejet selon 35 U.S.C. §101 et (ii) les aider à évaluer la réponse des déposants.

Ce document sonne comme un rappel à l’ordre des Examinateurs de ce qui constitue les bonnes pratiques en matière d’analyse de l’éligibilité des revendications aux Etats-Unis. Il leur est tout d’abord rappelé qu’ils doivent identifier et expliquer le motif de rejet évoqué, exemples de justification à l’appui.

Il leur est également rappelé qu’ils doivent expliquer en quoi chaque revendication ne permet pas de surmonter le rejet. Il leur est enfin rappelé qu’ils doivent considérer avec attention les réponses des déposants à de tels rejets.

De façon intéressante, il est rappelé dans ce document par exemple :

  • Que les tribunaux Américains ont déjà identifié certaines limites aux concepts de l’idée abstraite et que l’Examinateur ne devrait pas aller au-delà,
  • Que des techniques de laboratoire largement discutées dans des journaux scientifiques ou utilisées par quelques scientifiques, ne sont pas nécessairement des techniques « de routine » dans le domaine de l’invention,
  • Qu’une nouvelle combinaison d’étapes d’un procédé peut rendre ce procédé « éligible » même si toutes les étapes sont individuellement bien connues et mises en œuvre avant la date de la combinaison.

Ce Memorandum est accompagné d’exemples dans le domaine des sciences de la vie censés illustrer l’ Interim Eligibility Guidance de décembre 2014… et aussi la nécessité de clarifier, encore, ce qui est potentiellement brevetable et ce qui ne l’est pas au titre de 35 U.S.C.§ 101.

Espérons, pour les déposants de brevets Américains, que tout cela concoure à une meilleure prévisibilité de la brevetabilité des inventions suspectées de comprendre une loi de la nature ou une idée abstraite… même si d’autres étapes d’explication ou de clarification nous attendent certainement…

Publié par

Frédérique Faivre Petit

Associée gérante