Les dispositifs pour la mise en œuvre d’une méthode chirurgicale ou thérapeutique sont-ils brevetables ? (1/3)

Le secteur des technologies médicales est source de nombreuses innovations, qui se traduisent notamment par un nombre important d’inventions potentiellement brevetables. Ces inventions se situent souvent à la lisière de la brevetabilité, car les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques ne peuvent être protégées par brevet.

Paris, le 8 septembre 2022 – Le secteur des technologies médicales est source de nombreuses innovations, qui se traduisent notamment par un nombre important d’inventions potentiellement brevetables. Ces inventions se situent souvent à la lisière de la brevetabilité, car les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques ne peuvent être protégées par brevet.

Pour permettre aux innovateurs de ce secteur de définir les meilleures stratégies il est donc crucial de cerner les limites de ce qui est brevetable. Ceci est important pour accroître vos parts de marchés et vos marges (en tirant parti au mieux de votre potentiel de protection), et pour sécuriser vos investissements (en discernant parmi les brevets de la concurrence ceux qui sont solides de ceux qui sont plus fragiles, afin de cerner vos marges de manœuvre par rapport à la concurrence).

Cette série d’articles aborde les possibilités et les limites de la protection par brevet en Europe des dispositifs impliqués dans la mise en œuvre une méthode chirurgicale ou une méthode de traitement thérapeutique. Les experts de notre équipe Medtech se tiennent à votre disposition pour vous guider en prenant en compte les limites de la brevetabilité non seulement en Europe, mais également dans le monde.

L’Office Européen des Brevets (OEB) délivre des brevets européens pour différentes catégories d’inventions : des produits, des dispositifs, des dispositifs et des utilisations.
Certaines inventions appartenant à l’une de ces catégories sont toutefois exclues de la brevetabilité. La Convention sur le Brevet Européen (CBE) prévoit en son article 53 que :
Les brevets européens ne sont pas délivrés pour : … c) les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, cette disposition ne s’appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en œuvre d’une de ces méthodes.

Cette exception à la brevetabilité est souvent justifiée par le fait qu’elle aurait pour objectif d’empêcher la délivrance de brevets qui entraveraient le libre exercice de la médecine.

Néanmoins, les produits « pour la mise en œuvre » d’une méthode thérapeutique ou chirurgicale échappent à cette exclusion, comme l’indique explicitement l’article 53c) CBE.

De manière claire, les médicaments ne sont pas concernés par cette exclusion. Ils sont en effet implicitement désignés dans l’article 53c) CBE par les termes « substances » et « compositions ».

La jurisprudence a par ailleurs confirmé que d’autres entités physiques échappent également à cette exclusion.

A titre d’exemple, des Chambres de recours de l’OEB ont décidé de délivrer ou de maintenir des brevets européens dont les revendications portaient sur des produits et dispositifs variés tels que :

  • une prothèse (T 1798/08),
  • un dispositif pour mesurer un afflux sanguin pendant une hémodialyse, défini à l’aide de caractéristiques fonctionnelles (T 1695/07),
  • un greffon aortique défini par son procédé d’obtention (T 1407/08).

Ces divers cas illustrent la volonté des Chambres de recours de l’OEB d’interpréter de manière restrictive l’exclusion visée par l’article 53c) CBE, et donc de manière extensive les « produits pour la mise en œuvre de méthodes chirurgicales ou thérapeutiques » qui échappent à cette exclusion.

Au regard de cette jurisprudence favorable, certains pourraient croire que faire porter des revendications sur un produit ou sur un dispositif est suffisant pour échapper à l’exclusion visée à l’article 53c) CBE, même lorsque ce produit ou ce dispositif entretient un rapport étroit avec une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique, par exemple lorsque celui-ci est défini fonctionnellement par son aptitude à mettre en œuvre ou participer à une telle méthode.

Cette opinion est également répandue au sein même des divisions d’examen et d’opposition de l’OEB, puisque les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB énoncent ce qui suit à la section G.II.4.2.1:

Il ne doit pas être élevé d’objection au titre de l’article 53c) à l’encontre de revendications portant sur des dispositifs médicaux, des programmes d’ordinateur ou des supports d’enregistrement qui comportent des éléments correspondant à ceux d’une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal ou d’une méthode de diagnostic appliquée au corps humain ou animal, car seules les revendications de méthode peuvent tomber sous le coup de l’exception prévue par l’article 53c).

Toutefois, certaines Chambres de recours de l’OEB, qui ne sont pas tenues de suivre les Directives, ne partagent pas pleinement cette analyse.

En effet, certaines Chambres de recours ont pris la décision d’exclure au titre de l’article 53c) CBE des brevets dont les revendications ne portaient pas sur des méthodes, mais sur des produits ou des programmes d’ordinateur, comme nous l’exposerons dans de prochains articles.

Les experts de l’équipe Medtech de REGIMBEAU se tiennent à votre disposition pour vous aider à définir votre stratégie dans le domaine médical et chirurgical.

Publié par

Yves De Saint-Pern

Conseil Senior