Crocodile et Crocodilien : caïman la même chose en droit des marques pour le TUE

Le Tribunal de l’Union européenne vient de rendre un arrêt le 30 septembre 2015 (T-364-13) dans une affaire opposant depuis 2007 la société Lacoste et son célèbre crocodile à la société polonaise Eugenia Mocek et Jadwiga Wenta KAJMAN Firma Handlow-Uslugowo-Produkcyijna qui avait déposé une marque communautaire pour désigner notamment des vêtements, des sacs, des chaussures mais aussi des services de locations immobilières ou des meubles.

Le Tribunal de l’Union européenne vient de rendre un arrêt le 30 septembre 2015 (T-364-13) dans une affaire opposant depuis 2007 la société Lacoste et son célèbre crocodile à la société polonaise Eugenia Mocek et Jadwiga Wenta KAJMAN Firma Handlow-Uslugowo-Produkcyijna qui avait déposé une marque communautaire pour désigner notamment des vêtements, des sacs, des chaussures mais aussi des services de locations immobilières ou des meubles.

L’OHMI ayant fait partiellement droit à l’opposition déposée par la société Lacoste en ce qui concerne les produits en cuir, les chaussures et les vêtements, la société polonaise a saisi le Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de l’OHMI.

Examinant le risque de confusion entre les signes et , le TUE considère dans un premier temps

  • qu’ils présentent de faibles similitudes visuelles, prenant en considération les différences de style et de postures, endormie ou agressive, des animaux mais considérant que pour le consommateur, il s’agira dans les deux cas d’un reptile de l’ordre des crocodiliens avec la queue recourbée.
  • que la marque de Lacoste ne présentant pas d’élément dénominatif, l’aspect phonétique n’est pas pertinent
  • qu’ils présentent une similitude moyenne sur le plan conceptuel, les signes se référant au concept de reptile de l’ordre des crocodiliens et ce d’autant plus que dans la demande de marque le mot « KAJMAN » accentue le lien entre la représentation et la nature de l’animal en tant que caïman de l’ordre des crocodiliens et non en tant que reptile de l’ordre de squamates.

Mais le TUE pondère son analyse en prenant en considération le fait que le crocodile de Lacoste a acquis par l’usage un caractère distinctif élevé pour les produits en cuir et notamment les sacs, les vêtements et les chaussures pour en conclure que pour ces types de produits un risque de confusion existe puisque le grand public risque de croire que les produits portant les signes ou proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

Le caïman de la société polonaise pourrait être perçu comme une variante de la représentation du crocodile de la société Lacoste très largement connue du grand public.

Le TUE rappelle donc fort justement que le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important et qu’il ne doit donc pas être réduit du fait que le consommateur porterait une attention particulière à une marque connue.

Enfin le TUE rejette l’argument de la société polonaise estimant que faire droit à la demande de Lacoste lui confèrerait un monopole injustifié sur la représentation d’un reptile de l’ordre des crocodiliens indépendamment de son degré de stylisation artistique.

Le TUE indique que « l’intérêt de la marque communautaire réside précisément dans le fait qu’il permet aux détenteurs d’une marque antérieure de s’opposer à l’enregistrement de marques ultérieures tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

Ainsi, loin d’accorder un monopole injuste et injustifié aux titulaires d’une marque antérieure, ledit régime permet à ces titulaires de protéger et de valoriser les investissements substantiels entrepris pour promouvoir leur marque antérieure. ».

Le caractère distinctif accru, la renommée de la marque mais aussi les investissements substantiels engagés pour sa promotion sont autant d’éléments pris en considération pour faire échec à l’enregistrement de marques secondes par des tiers.

La loi des marques l’emporte donc sur la loi de la jungle mais il faut cependant être à même de pouvoir l’affirmer et il convient donc de constituer des dossiers à ce sujet tout au long de la vie de la marque pour défendre son monopole dans un monde compétitif qui peut avoir les dents très acérées.

Publié par

Martine Bloch-Weill

Associée gérante