Comment protéger une idée un concept ?

Vous souhaitez que les recherches que vous avez menées et les investissements que vous y avez consacrés ne soient pas immédiatement perdus et pillés par des concurrents peu respectueux.

Cette question se pose lors de la conception de tout nouveau produit ou tout nouveau service, etc…

Vous souhaitez en effet que les recherches que vous avez menées et les investissements que vous y avez consacrés ne soient pas immédiatement perdus et pillés par des concurrents peu respectueux.

Ce souci légitime conduit à découvrir le droit de la propriété intellectuelle et son interaction avec les grands principes du droit présentés succinctement ci-après.

En effet, la réponse à cette question n’est pas unique et requiert la mise en œuvre de tous les aspects de différents droits de la propriété intellectuelle, du droit général de la responsabilité et du droit contractuel.

Et tout d’abord, ce constat brutal et froid : une idée, un concept ne sont pas protégeables. Mais ceci ne signifie pas « ne rien faire » ce que vous regretteriez à la première copie diffusée, n’ayant plus que vos yeux pour pleurer sur cette rançon inattendue du succès.

Selon la formule répétée par maintes décisions judiciaires, “les idées sont de libre parcours”. Vous pouvez imaginez le plus attractif concept de commercialisation de produits sur Internet, de nettoyage de véhicules, de magasin, etc… vous ne pourrez le déposer en tant que tel.

Il n’existe aucun “registre des idées ou des concepts”, car si tout était protégé, l’idée même de respirer le serait et comment pourrions-nous encore vivre sans devoir payer notre écot à un organisme administratif à la Prévert ?

Gardez pourtant tout espoir et n’allez pas immédiatement décrire votre idée à quiconque, car vos efforts ne seront pas vains. S’il n’existe pas un droit unique, différents droits peuvent vous assurer une protection efficace à condition de prendre la peine de les constituer et de les combiner.

Si on ne peut pas en effet obtenir un titre pour l’idée ou le concept en tant que tel, l’objet fini ou leur mise en œuvre peuvent et doivent être protégés pour interdire leur reproduction et imitation.

Le brevet, la marque, le modèle

Par un brevet, si pour la réalisation de ce concept, vous avez par exemple dû mettre au point un dispositif technique spécifique… Attention, toutefois un brevet ne couvre qu’une invention nouvelle : il ne faut donc la divulguer à personne avant de la protéger. Celle-ci doit en outre dénoter une activité inventive et présenter un caractère industriel.

Un brevet, qui consiste en une description de l’invention qui sera publiée, offre alors un monopole d’exploitation ou au minimum le droit d’interdire les produits et procédés qui le copieraient pendant une durée de 20 ans.

Par une marque, pour baptiser votre produit, pour le slogan qui accompagnera vos messages publicitaires, ou encore pour le logo qui identifiera votre concept. La forme même de certains éléments, par exemple une mascotte, peut également être protégée par une marque tridimensionnelle, dès lors que cette forme devient l’élément caractéristique attractif permettant au consommateur de reconnaître à la seule vue de cet élément que le produit qu’elle contient provient de votre société et non du concurrent.

La question de la protection de l’aménagement d’un magasin vient ainsi de faire l’objet d’une décision récente de la Cour de Justice de l’UE du 10 juillet 2014 (C 421/13, Apple Inc./Deutsches Patent- und Markenamt). Celle-ci ne diffère pas des positions de la Cour de Cassation française prises dans des affaires célèbres plus anciennes (notamment affaire SEPHORA Cass. Com 11 janvier 2000 Société Séphora c/Société Patchouli Hérouville).

La marque internationale analysée N° 1060321 désigne en classe 35 : « Services de magasins de détail proposant des ordinateurs, logiciels, périphériques d’ordinateurs, téléphones mobiles, produits électroniques grand public et accessoires connexes, ainsi que présentation de ces produits » et consiste dans la reproduction suivante des magasins APPLE :

La Cour de Justice a en effet confirmé que « la représentation, par un simple dessin sans indication de taille ni de proportions, de l’aménagement d’un espace de vente de produits peut être enregistrée comme marque pour des services qui visent à amener le consommateur à acheter les produits vendus  à condition qu’elle soit propre à distinguer les services de ceux d’autres entreprises ».

Pour remplir cette condition, l’agencement devra donc diverger de manière significative de la norme et des habitudes du secteur concerné, ce qui est apprécié in concreto au cas par cas. Il faudra donc être très vigilant dans la reproduction de la marque fournie pour ne pas voir refuser la protection au motif que « la marque litigieuse montre l’intérieur d’un magasin avec de très nombreux éléments, sans qu’on puisse déterminer lesquels d’entre eux seraient distinctifs pour désigner des services de conseils aux particuliers en matière de parfumerie » comme ce fut le cas dans l’affaire SEPHORA.

Une marque présente le grand avantage de pouvoir être renouvelée indéfiniment (par période de dix ans), et être étendue assez aisément à l’étranger, à un coût raisonnable et sans des procédures trop complexes.

Par un modèle qui peut également concerner une forme, par exemple celle d’une aire de loisir avec une piscine, des équipements, du mobilier d’extérieur, mais avec un autre objectif que celui de la marque tridimensionnelle. Le modèle protège en effet l’apparence d’un objet, indépendamment de sa destination. La protection est toutefois limitée aux vues de l’objet qui sont fournies et un modèle ne protégera pas l’idée d’un contraste de couleur, par exemple, mais uniquement celui dont la reproduction ou le dessin aura été déposé. Il peut être ainsi difficile de protéger l’ensemble de l’agencement, toute photographie ou description imprécise et donc non identifiable étant écartée (Cour de Cassation Paris 23 mai 2008 Mosaïc c/ Opium et SP.) Le modèle doit aussi être nouveau, et donc ne pas avoir été divulgué au préalable depuis plus d’un an. Un modèle a une durée de vie plus limitée que la marque (25 ans en France). Sa protection à l’étranger est en revanche souvent soumise à un examen proche de celui des brevets, rendant la protection plus coûteuse.

Il ne doit pas non plus consister en une forme fonctionnelle et doit présenter un caractère propre.

Ces trois titres (brevets, marques, dessins ou modèles) relèvent du droit de la propriété industrielle.

Ils permettent tous d’offrir à leur titulaire un monopole exclusif d’exploitation et/ou d’interdiction, pendant une durée plus ou moins limitée. Ils ne peuvent être obtenus que par des procédures de dépôt auprès de l’Office du pays (ou du groupement de pays) dans lequel une protection est demandée.

L’Office octroie le titre, après examen – ou (plus rarement) sans examen – ce qui peut prendre de 5 mois à quelques années, en fonction des titres, et des administrations ! Il convient donc de vérifier avant même d’ouvrir un marché si vos droits sont protégés dans le pays concerné.

Le droit d’auteur

Le droit d’auteur peut s’ajouter à tous ces titres. Celui-ci protège pour une durée de 70 ans post mortem la création de toute œuvre, artistique ou non, et quelle que soit sa nature, son mérite et sa destination.

Ceci permet d’inclure des éléments complémentaires de décors par exemple et de faire un lien entre toutes les créations et tous les documents publicitaires. Aucune formalité administrative d’enregistrement des “droits d’auteur” n’est nécessaire. Aussi pour faire valoir son droit, chaque créateur doit être en mesure de prouver par tout moyen qu’il est l’auteur de l’œuvre, ainsi que la date de création de celle-ci.

Encore faut-il que l’oeuvre soit clairement déterminée, individualisée et originale, contraignant le designer ou l’architecte à définir un projet type suffisamment précis. Outre la protection par Enveloppe Soleau qui répond à des contraintes formelles et ne peut être ouverte que dans le cas d’un procès, vos créations peuvent être déposées régulièrement chez un notaire qui leur conférera ainsi une date certaine. Nous vous incitons à apposer sur chacun de vos documents la mention de copyright © suivi du nom de la société et de l’année.

Ainsi, s’il n’existe aucune catégorie de titre pour protéger un concept, les créations en tant que telles qui lui donnent corps ou leur mode de réalisation peuvent être protégées par le droit de la propriété intellectuelle et industrielle.

Autres droits

En outre, si par négligence ou du fait d’une annulation des titres, aucun de ces droits ne peut être invoqué, ou si des actes illicites distincts ont été commis, il demeure possible de se défendre contre la copie servile de ses produits et contre tout acte de concurrence déloyale ou parasitaire, en mettant en œuvre des mécanismes de la responsabilité civile, voire d’atteinte au Code de la Consommation.

Les articles 1382 et suivants du Code Civil imposent en effet à toute personne ayant commis un dommage de le réparer. Dès lors que le préjudice est prouvé, une faute et un lien de causalité entre les deux établis, des dommages-intérêts peuvent être obtenus avec des mesures d’interdiction. Ainsi il a été jugé par la Cour d’Appel de Versailles que la reprise d’une idée publicitaire d’un concurrent pouvait être constitutive de concurrence déloyale (C.A. Versailles 18.02.2014 Andros/Tropicana).

En outre, les dispositions de l’art. L.121-1 du Code de Consommation permettent aussi de faire condamner toute pratique commerciale trompeuse, c’est-à-dire qui « crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ».

Enfin, dans toutes les relations avec vos partenaires, des contrats comprenant des clauses relatives à la propriété intellectuelle doivent garantir vos droits, et permettre de sanctionner toute violation.

Vous pouvez ainsi abandonner sans regret l’espoir de protéger votre idée ou votre concept et adopter une démarche de protection de vos créations. Celle-ci consiste à constituer les droits adaptés à chacune de vos innovations, pour valoriser votre recherche, sécuriser le développement de vos nouveaux produits, organiser vos relations contractuelles, garantir votre périmètre de marché et éviter que celui-ci ne soit envahi de créations concurrentes imitant les vôtres.

Il faut toutefois être très vigilant dans la présentation des éléments déposés et dans le choix des instruments juridiques pour ne pas se heurter à un refus des Offices ou à une invalidation par les Tribunaux !

Publié par

Evelyne Roux

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Evelyne Roux

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